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de la sympathie paternelle. La destinée du Nivernais, si elle n’a pas été malheureuse, a été au moins bien contrariée, et son histoire, pour peu qu’on la parcoure, donne l’impression pénible que donnerait le spectacle d’un satellite qui serait empêché de se rattacher à son véritable centre d’attraction, ou plutôt qui se trouverait sollicité entre plusieurs centres dont aucun ne serait suffisamment prépondérant. Partagé, comme il l’est nettement, en deux régions bien distinctes, une région montagneuse et une riante vallée, où est son centre d’attraction ? Par le Morvan, il se relie à la Bourgogne ; par la vallée de la Loire, il touche au Berry, et par le Berry il se rattache aux provinces de l’ancienne Aquitaine ; mais on ne voit pas que son génie propre ait quoi que ce soit en commun avec les génies de l’une et de l’autre région. La race physique même est complètement différente ; ces corps maigres et agiles, ces formes fluettes et sèches, ces visages minces et ronds aux tout petits traits, peu faits pour atteindre à la grande beauté, mais en revanche souvent remarquablement jolis et atteignant à une mignonnesse charmante, ne sont pas sans causer quelque surprise quand on songe au voisinage des formes plantureuses de la Bourgogne et à la molle beauté des provinces de l’autre côté de la Loire. C’est le genre de vivacité et de sécheresse de la pierre à fusil, de l’étincelle qui en jaillit et de l’amadou qu’elle allume ; on dirait une population faite à souhait pour l’action rapide, les coups de main agiles, les besognes enlevées d’assaut, plus adroite et alerte que robuste cependant. S’il faut s’en rapporter aux hommes remarquables que cette province a produits, l’âme, en parfait rapport avec cette enveloppe, serait tranchante, subtile, volontiers batailleuse, facilement violente, capable de logique pratique et assez peu portée aux choses idéales, car ces hommes remarquables sont invariablement de deux sortes, ou bien des révolutionnaires comme Théodore de Bèze, Anaxagoras Chaumette et Saint-Just, ou bien des procureurs et des légistes comme le vieux Guy Coquille et les modernes Dupin.

Cependant de ces centres d’attraction qui s’offrent au Nivernais, la Bourgogne est celui qui lui aurait été le plus naturel ; il lui est même si naturel par la position géographique, que dès les premiers temps de notre histoire le Nivernais était considéré comme une annexe de cette première province. J’ouvre la chronique des Annales de Saint-Bertin, et j’y vois sous la date de 865 Charles le Chauve accorder à un de ses seigneurs le comté d’Auxerre et le comté de Nevers, dont il dépossède le bénéficiaire en fonctions ; cette situation dura sous diverses formes pendant toute la première maison féodale et jusqu’au commencement du XIIIe siècle. N’est-ce pas