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en termes de ménagère ; je demande pardon de la vulgarité de l’expression, mais elle m’est nécessaire pour bien faire comprendre au lecteur la bizarrerie de cette construction. Elle a donc deux absides ; l’une est romane, l’autre gothique. L’abside romane, reste considérable de l’édifice primitif, aujourd’hui transformée en chapelle, s’élève au-dessus du sol de l’église d’une hauteur de six à sept marches et surmonte une crypte : crypte et chapelle sont dédiées à sainte Julitte, la mère de saint Cyr. C’est à peu près la disposition des confessions dans les anciennes églises de Rome, c’est-à-dire des autels élevés au-dessus des sanctuaires où dorment les ossemens des martyrs ; c’est encore à peu près celle que l’on remarque dans quelques-unes de nos très vieilles églises, Sainte-Radegonde et Saint-Hilaire de Poitiers par exemple, Saint-Germain d’Auxerre, et bien d’autres dont l’architecture intérieure se rapproche singulièrement de celle des primitives basiliques romaines, où la partie de l’église destinée au clergé et au culte s’élève de la hauteur d’un étage au-dessus de la partie réservée aux fidèles, Saint-Laurent-hors-des-Murs, Saint-Nérée, etc. Du haut du perron, qui est formé par le double escalier conduisant à cette chapelle, on serait parfaitement placé pour embrasser l’édifice intérieur dans toute son étendue, si pour le quart d’heure les échafaudages des maçons qui le restaurent au complet n’en masquaient pas les principales parties. Le chœur, qui est vaste, occupe le centre de l’église, et tout autour court une nef circulaire dont les deux bras viennent rejoindre la nef principale.

Ainsi qu’il arrive très souvent avec les édifices qui gardent leur destination pendant de longs siècles et voient se succéder d’innombrables générations, Saint-Cyr a perdu depuis le dernier siècle un grand nombre de ses souvenirs, et retrouvé ceux qu’il avait perdus dans les siècles antérieurs. Ses nombreux tombeaux, ses bas-reliefs sculptés, dont quelques-uns étaient considérables, ont été entièrement détruits, les peintures de ses chapelles ont été écaillées par le temps à en être méconnaissables ; en revanche, les travaux de réparation et de nettoyage ont mis au jour nombre d’inscriptions et plusieurs fresques complètement inconnues jusqu’à ces derniers temps, ensevelies qu’elles étaient sous l’épaisse couche de badigeon dont elles avaient été sans façon recouvertes. Il n’est point juste d’accuser trop exclusivement la révolution de la dévastation de nos anciens édifices, car cette dévastation a été l’œuvre de bien des causes réunies, et l’incurie, la négligence, l’ignorance et le faux goût y ont eu leur bonne part. Nous oublions trop que ce n’est que de nos jours que le sentiment des arts s’est généralisé ; les générations antérieures n’en prenaient point tant de souci, et