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par se déclarer ouvertement contre lui et força son abdication. La tentative ambitieuse du Saxon fut plus misérable encore que celle d’Hermann, lequel revint modestement dans ses domaines des Ardennes, où il a fondé la première maison de Salm, éteinte au XVe siècle et fondue en diverses maisons féodales des siècles suivans[1], dont plusieurs ont continué le nom de Salm sans être du même sang. Les succès de la cause impériale en Allemagne étaient dus en grande partie à l’habileté courageuse et dévouée de Frédéric de Hohenstaufen, qu’Henri IV créa premier duc héréditaire d’Alsace et de Souabe, et auquel il donna sa fille Agnès en mariage comme un éclatant témoignage de sa reconnaissance. Frédéric, dont le frère et le neveu furent successivement évêques de la puissante ville de Strasbourg, dut guerroyer longtemps avec les Zäringhen avant d’obtenir la possession paisible de son duché, où sa race s’est assuré un empire d’affection qui a duré jusqu’à l’extinction de la maison de Souabe[2]. C’est le petit-fils de ce Frédéric qui, sous le nom de Conrad III, a fondé cinquante ans plus tard la dynastie impériale des Hohenstaufen, avec laquelle a commencé une nouvelle phase de la lutte du sacerdoce et de l’empire.

Pendant que ces choses se passaient dans l’intérieur de l’Allemagne, Henri consolidait son œuvre de réparation en fondant sur les flancs de la Saxe et de la Bavière le royaume de Bohême[3], en faveur d’un duc national qui lui donnait depuis plus de dix ans des preuves et des gages d’une alliance fidèle. En Italie, l’empereur avait non moins habilement conduit ses affaires. Si le pape avait soulevé l’Allemagne contre Henri, à son tour ce dernier avait soulevé contre le pape l’Italie, où, malgré le vaillant appui de la comtesse Mathilde, Henri avait tenu Grégoire bloqué dans Rome même, pendant plusieurs années, et l’avait enfin obligé de déloger pour se réfugier chez les Normands. S’il avait été réduit à célébrer obscurément une des fêtes de la chrétienté en ses vieilles terres de la France rhénane, pendant que l’anticésar Hermann trônait avec insolence et célébrait Noël dans la cité impériale de Goslar, il avait à son tour intronisé le pape de son choix à Rome, où Wibert officiait pontificalement, pendant que son grand adversaire, le vrai pape, gémissait dans l’exil à Salerne, et cette interversion des rôles produisait

  1. Voyez Ungewitter, Erdbeschreibung, I, 218 (1872) ; Schœll, Hist. des traités, etc. ; Hopf, Atlas, etc., I, p. 341, et l’Art de vérifier les dates, t. III.
  2. Voyez Gfrürer, et l’Art de vérifier les dates. Cf. Raumer, Geschichte der Hohenstaufen, t. Ier (1858), et Köhler, Geneal. fam. aug. Staufensis, in-4o ; 1727.
  3. Voyez le chron. Citizence, sur l’année 1086, dans Pistorius-Struve, I, p. 1146, et Cosmas, en sa Chronique de Bohême, dans la collect. de Menken, t. Ier.