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entre l’empereur et les Flamands montra combien sa puissance était ébranlée et son pouvoir affaibli.

Robert, comte de Flandre, osait se prononcer contre son souverain, à l’occasion des schismatiques de Cambrai. Le pape Pascal écrivit à Robert pour le féliciter de son courage, et il l’excitait en ces termes : « Poursuivez partout selon vos forces Henri, chef des hérétiques, et ses fauteurs. Vous ne pouvez offrir à Dieu de sacrifice plus agréable que de combattre celui qui s’est élevé contre Dieu, et qui a élevé l’idole de Simon dans le lieu saint. Nous vous ordonnons cette entreprise à vous et à vos vassaux, pour la rémission de vos péchés, et comme un moyen d’arriver à la Jérusalem céleste[1]. » Pascal II signalait ensuite le clergé de Liège comme coupable d’adhésion à l’hérésie de l’empereur. Le clergé de liège répondit au pape par une lettre qui eut du retentissement, qu’on peut lire en substance dans Fleury, et qui contient les principes gallicans sur l’indépendance du pouvoir des rois. Cette réponse très mesurée, très respectueuse, respirant le sentiment catholique des pères de l’église primitive, honora le clergé de Liège, mais ne servit que peu la cause de Henri IV[2]. Une nouvelle diète convoquée à ; Mayence retentit de nouvelles protestations de Henri, pour le rétablissement de la paix publique. Il toucha l’assemblée en annonçant l’intention de partir pour la terre-sainte dès qu’il aurait mis ordre aux affaires de l’empire, et d’abdiquer la couronne en faveur de son fils Henri[3] ; mais cette émotion sympathique ne fut que passagère ; on l’accusa de mensonge pour l’avoir provoquée[4] et le vide se fit de nouveau autour de lui. Enfin un coup accablant vint abattre son courage ; Henri, son second fils, son enfant chéri se révolta aussi contre lui malgré tous les sermens de fidélité qu’il avait prêtés en présence de la diète germanique à Mayence.

C’était vers la fin de 1104 ; le jeune prince avait alors vingt-trois ans. Il ne manquait aucune douleur à ce père malheureux, mais celle-ci dépassa toute mesure. Quel fut l’instigateur de cette rébellion ? On n’en pouvait cette fois accuser une femme habile et artificieuse ; l’opinion l’attribua au pape Pascal[5], à qui elle profita, et

  1. Voyez Fleury loc. cit., LXV. 11. La lettre de Pascal est dans Baronius, sur l’an 1102.
  2. Sur cette démonstration de l’église de Liège, voyez Laurent, Études, t. VI, p. 362 et suiv.
  3. « Inter ipsa missarum solemnia, episcopo populum monente, imperator quasi corde compunctus, filio suo Heinrico reégi, rerum summam dimissuim, seque sepulcrum Domini visitaturum, per Emehardum episcopum publice prædicare fecit » Annalsaxo, ad ann. 1103.
  4. « Favorem maximum tam vulgi, quam principum et clericorum fallendo acquisivit, multosque ad ejusdem itineris comitatum se præparare voto ipso succendit. » Ibidem.
  5. Voici les paroles d’Hermann, abbé de Saint-Martin de Tournai, écrivain contemporain : « Callidus papa Henricum adolescentem, filium Henrici imperatoris, adversus patrem concitat, et ut ccclesisæ Dei auxilietur, admonet. Ille regni cupidus et gaudens se competentem occasionem ex apostolica auctoritate invenisse, contra patrem ferociter armatur. » Voyez ce texte dans le Spicilegium de Dacheri, qui l’a publié le premier, XII, p. 358, et dans l’édition de Mansi, n, p. 888. Pertz a inséré seulement un fragment de l’ouvrage, XII, p. 669-62.