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peu au hasard des occasions ou du moment, plusieurs copies très judicieusement commandées, — le Triomphe de Jules César entre autres, d’après Mantegna, et les peintures du chœur de la cathédrale de Prato d’après Filippo Lippi, — viendront d’ici à peu prendre une place mieux méritée que celle qu’occupent certaines copies d’après des artistes de second ordre. Ce que nous entendons seulement indiquer aujourd’hui, c’est la nécessité de procéder dans les choix futurs conformément à une règle invariable, à un système sans démenti ; c’est l’obligation, pour ceux qui ont la mission d’approvisionner ce musée, de se montrer convaincus jusqu’à l’intolérance, en n’admettant que ce qui peut nous donner le goût et la notion de l’art dans son expression la plus élevée. L’indulgence pour les mérites médiocres ou le souci de la quantité n’aboutirait ici qu’à la confusion, n’engendrerait parmi nous que le scepticisme, et n’arriverait à nous procurer, au lieu de la foi dont nous avons besoin, que des enseignemens de rencontre et des vérités contestables.

Quelques regrets d’ailleurs, quelque étonnement au moins que puisse causer la présence au palais des Champs-Elysées de plusieurs toiles assez peu dignes d’y figurer, mais qui probablement n’y auront été mises qu’en attendant mieux, beaucoup parmi celles qu’on a réunies jusqu’ici n’inspireront que des sentimens d’admiration pour les modèles, et d’estime sérieuse pour le talent des copistes. Les principales œuvres de Raphaël par exemple ont été rendues en général avec une fidélité. d’autant plus louable que la difficulté était plus grande de s’approprier à la fois le style incomparablement pur et la manière si savamment aisée du « divin maître.  » Depuis la très consciencieuse copie par M. Lechevallier-Chevignard du Sposalizio jusqu’aux excellentes copies dues au pinceau de M. Monchablon d’après le Saint Paul à Athènes et la Vision d’Ézéchiel, — depuis le Mercure de la Farnésine qu’Ingres envoyait de Rome il y a plus de soixante ans jusqu’à la Jurisprudence, interprétée avec une rare délicatesse par M. Baudry, à l’époque où il n’était encore, lui aussi, qu’un pensionnaire de la villa Médicis, — presque tous les travaux qui résument avec le plus d’éclat les développemens de l’art et de la pensée du Sanzio sont rassemblés dans le nouveau musée et permettent de suivre d’un bout à l’autre l’histoire de ce génie sans pareil.

Il peut être bon de le rappeler au surplus, nulle part, sauf en Italie, les élémens de cette glorieuse histoire n’ont été plus pieusement, plus assidûment recueillis qu’en France, à toutes les époques ; nulle part la mémoire et les œuvres de Raphaël ne sont restées l’objet d’un respect plus général et d’une étude plus féconde. Pour ne citer, dans notre école de peinture, qu’un exemple bien près de nous, on sait l’influence exercée par Raphaël sur le plus illustre représentant de l’art contemporain et le dévoûment passionné avec lequel Ingres ne cessa de soutenir la cause de celui dont il s’était fait le disciple, à trois siècles d’intervalle. C’est en France aussi que les tableaux du maître ont été le plus savamment