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plusieurs stations, des données numériques sur l’état de la Seine et sur les eaux distribuées à Paris, enfin la statistique complète des naissances, des mariages, des décès, pour chaque mois de l’année. Ce bulletin mensuel a pris pour modèle une publication hebdomadaire analogue de la ville de Londres ; il constitue aujourd’hui une mine féconde de matériaux qu’il serait temps de coordonner et de soumettre à une discussion approfondie. En effet, les documens relatifs au mouvement de la population n’ont toute leur valeur que lorsqu’ils sont rapprochés des circonstances climatériques et météorologiques au milieu desquelles se sont produits les faits qu’ils constatent, et c’est là ce que ne paraissent pas avoir encore suffisamment compris les écrivains qui se sont occupés de cette matière. En veut-on un exemple ? Dans un volume de 883 pages que vient de publier M. le docteur Armand, sous ce titre ambitieux : Traité de climatologie générale du globe, on trouve bien reproduit un travail de M. Ély sur la statistique médicale de Paris, de 1865 à 1869, d’après le Bulletin municipal ; mais on y chercherait en vain un seul chiffre précis relatif aux conditions météorologiques de Paris ! En revanche, on y trouvera des renseignemens sur la chasse au requin, sur les familles de langues, sur les tombeaux égyptiens et sur l’homme fossile. L’ouvrage de M. Armand n’est donc pas encore, quoi qu’en dise le titre, ce résumé complet et méthodique des notions de climatologie fondées sur l’observation que les hygiénistes appellent de leurs vœux ; ce ne sont encore là que des matériaux plus ou moins précieux, qui seront utilisés à leur place dans un traité qui reste à écrire.

Il est vrai que, parmi les documens que reproduit M. Armand, il y en a de très curieux qu’il a recueillis dans le cours de ses longues pérégrinations à la suite des armées, en Afrique, en Orient, à travers les océans, dans la Malaisie et dans l’Indo-Chine. Médecin en chef de l’hôpital militaire de Saigon lors de l’expédition de 1861, il a pu par exemple fournir des tableaux nosologiques d’une grande valeur pour l’appréciation du climat de la Cochinchine, et les observations personnelles qu’il a faites en Algérie n’offrent pas moins d’intérêt ; toutefois le chapitre relatif à l’étiologie des maladies climatériques et notamment des fièvres s’appuie sur des données incomplètes ; M. Armand déclare le procès instruit avant d’avoir entendu tous les témoins. Il nie absolument la théorie des miasmes : c’est son droit ; mais il va trop loin lorsqu’il dit qu’aucune des nombreuses expériences entreprises en vue de prouver l’intoxication paludéenne n’a donné de résultat positif. Il fallait au moins citer les expérimentateurs qui prétendent au contraire avoir gagné la fièvre en étudiant la fructification des algues, et ceux qui affirment que l’air des marais est chargé de spores dont le microscope révèle la présence. M. Balestra, pour ne citer qu’un de ces témoins à charge, a trouvé en 1870 l’eau des Marais-Pontins remplie de