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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 105.djvu/285

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de la ligue et l’entrée de Henri IV à Paris pour que l’on s’occupât sérieusement de cette question vitale. Une série de mesures provoquées par le roi et adoptées de 1594 à 1598 réduisirent à quatorze le nombre des concessions.

A cette époque, un fait nouveau se produisit dont il faut tenir compte, car il constitue l’origine d’un revenu qui est aujourd’hui considérable. Martin Langlois, prévôt des marchands, offre dans cette même année 1598 une rente de 35 livres 10 sous à la ville de Paris en échange d’une concession d’eau qu’il demande ; de plus, à quelques années de là le chancelier de Bellievre reçoit deux lignes d’eau en compensation d’un terrain abandonné par lui. Le principe est donc admis, il était réservé à notre temps de l’appliquer d’une façon régulière et normale. C’est encore sous le règne de Henri IV que les habitans de la rive gauche eurent leur première fontaine, qui fut construite au Palais de Justice en 1606 par ordre de François Miron ; elle était alimentée par l’eau des Prés-Saint-Gervais, qui passait dans une conduite placée sous le tablier du Pont-au-Change.

Les mauvaises habitudes avaient repris ; des concessions courtoises avaient encore été octroyées, l’eau manquait. Henri IV fit un coup d’autorité, il examina lui-même l’état des distributions, et, par lettres patentes du 19 décembre 1608, il annula toutes les concessions, à l’exception de celles dont jouissaient le comte de Soissons, les dames de Guise et de Montmorency, la duchesse d’Angoulême, les religieuses de Sainte-Claire, les Filles-Dieu, les Filles-Pénitentes, l’hôpital de la Trinité et les Récollets-Saint-Martin. Ce n’était que de l’empirisme, et l’on ne pouvait ainsi remédier à une disette d’eau que l’accroissement de la population rendait plus sensible de jour en jour. Sully comprit promptement que les sources de Belleville et des Prés-Saint-Gervais ne rendaient point un volume d’eau correspondant aux besoins publics. Il fallait, si l’on ne modifiait promptement l’alimentation même des fontaines, ou que le peuple se passât d’eau, ou que le Louvre et les Tuileries en fussent privés. Il imagina donc de puiser en pleine Seine une quantité d’eau qui, reçue dans des réservoirs placés au-dessus du Pont-Neuf, que l’on venait d’achever, pût être facilement distribuée dans les deux logis du roi. Il s’entendit avec un ingénieur flamand nommé Jean Liatlaër, et en 1606, malgré la réclamation des marchands, qui redoutaient quelques embarras pour la facile navigation du fleuve, on éleva en aval, sur la deuxième arche de droite du Pont-Neuf, la première machine hydraulique que connut Paris. Ce fut la Samaritaine, qui eut rang de château et fut dirigée par un agent décoré du titre de gouverneur ; elle se déversait dans le