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plus clairvoyans cherchent de tous côtés la lumière, quel spectacle et quelle leçon ! Voir, à cinq cents ans en arrière, nos pères s’essayant à la vie politique, à la pratique régulière d’une liberté légale, assister à leurs efforts, à leurs succès, à leurs défaites, en étudier les causes, en pénétrer les enseignemens : voilà ce que nous apporte le livre de M. Picot, voilà ce que nous voudrions résumer à grands traits, heureux si nous inspirions à nos lecteurs le désir de puiser dans l’ouvrage même les preuves, les vivans témoignages de nos assertions.


I

Avant tout, qu’était-ce donc que les états-généraux ? Des assemblées parlementaires, ou tout au moins des assemblées organisées et régulières ? En aucune façon. Il leur manquait pour mériter ces noms trois conditions essentielles, la périodicité, une loi constitutive, le pouvoir législatif.

La périodicité, ils ne l’avaient ni en fait, ni en droit. Ce n’était jamais de leur propre initiative, jamais en vertu d’un droit reconnu et constant que s’assemblaient les trois ordres. Dans la croyance générale, il est vrai, si le royaume tombait aux mains d’un roi mineur, la convocation des états devenait une nécessité légale. Ce n’eût été dans tous les cas qu’une nécessité singulièrement exceptionnelle et sans rien de commun avec la périodicité ; mais cette nécessité même n’existait que dans l’opinion commune. En pratique, du roi seul, de son bon plaisir, ou plutôt de ses besoins, dépendait la réunion des trois ordres.

Quant à une loi constitutive, elle existait si peu qu’en 1788, à la veille des derniers états-généraux, on ne savait, ni pour la convocation de l’assemblée, ni pour la tenue des séances, quelles formes adopter. Des recherches dans toutes les archives furent prescrites par arrêt du conseil : on fit appel aux connaissances, aux traditions des corps constitués, des notables, des simples particuliers, et l’on obtint ainsi, non pas une, mais vingt solutions différentes. Il y avait les formes de 1483, les formes de 1560, les formes de 1614, nulle part il n’y avait de formes régulières, légales, consacrées. Rien dans cette grande institution n’était de nature nettement définie, légalement immuable. Le nombre des députés, leur répartition entre les trois ordres, leur mode d’élection, de réunion, de discussion, leurs attributions, tout cela variait, se modifiait suivant les temps, les lieux et les circonstances. En 1355, nous voyons huit cents députés, en 1483 moins, de trois cents, à peine davantage en 1576, puis près de cinq cents en 1614. En 1576, le