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songe qu’à réduire l’hérésie, fût-ce par la force ouverte, — la noblesse, en partie protestante, qu’à obtenir la tolérance religieuse et à réagir contre le clergé, — le tiers, qu’à réformer les abus, les scandales, et à diminuer le poids des charges publiques. Chaque ordre a donc ses doléances spéciales, son cahier spécial, son orateur spécial. Il faut entendre Jean Quintin, au nom du clergé, requérant contre les hérétiques la vigueur du bras séculier et les armes de la persécution, mais avouant cependant que, « si l’église est sans tache ni corruption, ses ministres sont coupables, la discipline affaiblie, les règles relâchées et les prêtres dignes des maux que le ciel leur envoie. » Il faut entendre le seigneur de Rochefort, au nom de la noblesse, réclamer avec passion la réforme du clergé, l’amoindrissement de ses privilèges et la confirmation de ceux de la noblesse. Il faut entendre enfin, au nom du tiers-état, Jean de Lange proclamer hautement les droits et la grandeur du tiers, dénoncer l’ignorance, l’avidité, le luxe du clergé, reprocher aux nobles d’être oisifs en leurs châteaux, tandis que de ses deniers, à grand’peine, le tiers-ordre épuisé est contraint de soudoyer des armées mercenaires. Bref, tandis que l’orateur royal, le chancelier du royaume, ce Michel de L’Hospital, dont la grande figure jette sur cette triste époque comme un reflet de noblesse et d’honnêteté, ne montre d’autre préoccupation en son admirable langage que de rehausser le rôle des états, de défendre leurs droits, de proclamer leur puissance, de réveiller en eux les sentimens de devoir et d’union, l’orateur de chacun des trois ordres semble n’avoir pour mission que d’attaquer les deux autres.

Un moment vient cependant où subitement les trois ordres se trouvent d’accord. La cour confesse enfin le déficit des finances. Le chiffre énorme de 43 millions, quadruple du revenu annuel du royaume, glace d’un même effroi tous les députés. En vain on leur promet en échange de subsides les réductions de dépenses les plus notables, la part la plus large dans le maniement et dans le contrôle des deniers perçus ; d’une commune voix, tous déclarent n’avoir point qualité pour imposer au pays de semblables sacrifices, tous exigent qu’on les renvoie dans leurs provinces communiquer aux bailliages les états de nuances, et demander à leurs commettans les pouvoirs qui leur manquent. Déjà au début de la session, après que la mort de François II, survenue au lendemain de la nomination des députés, avait fait passer la couronne sur la tête d’un prince mineur, le plus grand nombre des délégués du tiers et de la noblesse, mécontens des élections, avaient saisi ce prétexte pour en demander de nouvelles. Ils avaient déclaré hautement n’avoir point les pouvoirs nécessaires pour remplir la mission imprévue qui leur