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de tout droit à la couronne, les députés n’avaient garde de résister ; mais le roi demandait-il des subsides, en vain il se faisait docile et humble, en vain il jurait d’exécuter à l’avenir tous les vœux des états, en vain il peignait la détresse, trop réelle, hélas ! des armées. Les états ravitaillaient directement les armées, mais de subsides, point ; bien au contraire, les trois ordres s’entendaient pour exiger du monarque la réduction des tailles et l’institution d’une chambre de justice contre les financiers. Ce n’est pas tout encore : les états prétendaient désormais procéder, non plus par voie de supplication, mais par voie de résolution ; ils n’admettaient comme lois fondamentales que les lois faites avec leur concours, et celles-là ils les voulaient désormais immuables. Ils aspiraient enfin à fonder à côté, peut-être au-dessus de l’autorité royale, l’autorité des états. Réduit aux abois, faible et cruel à la fois, vindicatif autant que dissimulé, le dernier des Valois ne vit de ressources que dans le crime. Les Guises assassinés, les principaux chefs des états jetés dans les cachots, il crut sa délivrance assurée, sa toute-puissance restaurée, toute résistance anéantie. Il se trompait encore.

Les députés, revenus de leur première et profonde stupeur, montrèrent une sombre et silencieuse fermeté. A leur audace entreprenante succéda une invincible force d’inertie. Un seul fait pourra faire juger de cette hostilité devenue passive, d’activé qu’elle était. — Peu de jours après le meurtre, Henri III, par la voix du procureur-général de la Guesle, avait fait savoir aux députés « qu’au moment où quelques-uns de ses sujets venaient d’entreprendre sur son autorité, il serait opportun d’insérer dans les cahiers quelques articles pour définir le crime de lèse-majesté et répandre ainsi une terreur salutaire. » Cette insertion dans les cahiers, c’eût été l’assentiment formel des états aux crimes du 23 décembre. Le tiers et la noblesse la refusèrent nettement. Toutes les propositions, toutes les tentatives, toutes les injonctions même du monarque eurent le même sort. Les subsides, ces fameux subsides, qu’il ne se lassait pas de réclamer, qu’il avait implorés d’abord, et qu’il devait espérer maintenant arracher à la crainte, lui furent refusés définitivement et sans faiblesse. Etienne Bernard, le Jean Bodin de ces états de 1,588, délégué par le tiers pour signifier ces refus, ne craignit même pas de réclamer du roi des réformes sérieuses, la répression des abus, la recherche des financiers infidèles, des actes enfin et non plus des promesses.

C’était là du courage et du patriotisme. Sans doute, dans la manifestation hardie de ces sentimens il entrait bien une part de vieille ardeur ligueuse, sans doute encore, en se séparant, les députés ne pouvaient se faire illusion sur les résultats ; de leurs