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cahier la place de l’article et d’inscrire à cet endroit cette vaine mention : « le premier article… a été présenté au roi par avance du présent cahier le 15 janvier 1615, par le commandement de sa majesté, qui a promis d’y faire favorable réponse, et en est d’abondant très humblement suppliée. »

Comment s’étonner de l’impuissance d’une assemblée ainsi divisée ? Quelle action pouvaient avoir sur la royauté des réclamations isolées, divergentes, souvent même incompatibles les unes avec les autres, et dépourvues de l’appui moral que seule eût pu leur prêter l’unanimité des ordres ? Le clergé, dont le cahier d’ailleurs s’éloignait moins de celui du tiers que le cahier de la noblesse, et qui dès le début avait pressenti ce danger et tenté de le conjurer, le clergé, disons-le à sa louange, n’avait cessé d’employer tous ses efforts à obtenir des autres ordres la rédaction commune d’articles généraux ; mais il devait jusqu’au bout se heurter contre les défiances du tiers. De perpétuels froissemens, de perpétuels éclats, injures ou même voies de fait, — comme dans l’affaire du sieur de Bonneval, député noble, bâtonnant le sieur de Chavailles, député du tiers, — devaient rendre impossible tout accord durable entre gentilshommes et roturiers.

Cette assemblée finit comme elle avait vécu ; elle s’était ouverte et avait duré au milieu des discordes et des agitations : une sorte de coup d’état mit fin à ses séances. Désireux d’assurer à leurs doléances une sanction effective, et se souvenant des déceptions passées, les députés avaient tout fait pour obtenir du roi qu’il répondît à leurs cahiers avant de les renvoyer dans leurs provinces. Le roi, sans rien promettre, s’était borné à indiquer un jour pour la remise solennelle des doléances. Le 23 février en effet, cette remise avait eu lieu, et les orateurs des trois ordres, Richelieu, Senecey et Miron, Richelieu surtout, avaient fait entendre de nobles et fermes paroles. Le lendemain, les députés, déterminés à rester à Paris pour attendre la réponse royale, se rendent aux Augustins ; ils trouvent la salle de leurs réunions dégarnie, démeublée : impossible de tenir séance. Ils s’indignent, ils veulent passer outre. « Sommes-nous autres, s’écrie l’un d’eux, que ceux qui entrèrent hier dans la salle de Bourbon ? » Mais l’ordre du roi est formel ; les députés ne peuvent que venir chaque jour, suivant le récit de l’un d’eux, « battre le pavé des Augustins pour se voir et apprendre ce qu’on voulait faire d’eux, » puis, le premier découragement passé, se réunir tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre, pour aviser aux moyens de hâter cette réponse qu’on leur fait tant attendre. Enfin le 24 mars, les présidens des ordres, mandés au Louvre, apprennent du chancelier que « le roi ne peut répondre en quelques jours au grand nombre d’articles contenus dans les cahiers, mais que la