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avec l’équivoque, et on ne fait que l’aggraver par la confusion des desseins, par les passions et les préoccupations intéressées des partis, Au lieu de chercher la solution des difficultés qui nous entourent dans la réalité des faits, dans ce qui est immédiatement possible, on la cherche dans des combinaisons qui ne peuvent conduire qu’à des crises nouvelles. On se prépare à donner l’assaut au gouvernement en lui demandant ce qu’il ne peut pas faire. On le presse de sortir de cette situation, assurément fort difficile et fort délicate, où il ne peut ni trop se prononcer, sous peine de paraître s’identifier absolument à un parti, ni trop rester dans le vague et l’indéfini, sous peine de compromettre une autorité qui est encore la plus sérieuse garantie de la paix publique.

Il faut que toutes les ambiguïtés cessent, dit on ; il faut que le gouvernement prenne un parti, qu’il se décide dans un sens ou dans l’autre et qu’il conforme toute sa politique à cette direction première. C’est bientôt dit, et comment toutes ces ambiguïtés cesseront-elles ? C’est là précisément la question. Rien de plus simple, disent les radicaux : le suffrage universel vient de se prononcer à Paris, à Lyon, à Marseille, à Bordeaux, dans toutes les régions de la France ; il demande une politique républicaine plus accentuée, la dissolution de l’assemblée de Versailles. Le gouvernement ne peut se méprendre sur le sens de cette manifestation toute légale, il est obligé d’en tenir compte. Qu’il prenne un ministère de la gauche en congédiant M. de Goulard, sans oublier M. Dufaure, l’intraitable réactionnaire, — qu’il affirme la république, qu’il mette l’assemblée en demeure de se dissoudre au plus tard le jour où le territoire sera libéré. Fort bien ; mais si l’assemblée par hasard n’est pas d’avis de se dissoudre, si elle n’accepte pas un ministère de la gauche, que fera-t-on ? Ira-t-on plus loin pour la contraindre à capituler ? C’est donc un coup d’état qu’on propose à M. le président de la république. Il sera plus ou moins déguisé, ce sera toujours un coup d’état. Qu’on ne prétende pas que l’assemblée peut bien être la légalité stricte, mais qu’elle ne représente plus l’opinion publique, qu’elle ne fait qu’agiter le pays, que le droit populaire est supérieur à une majorité parlementaire : c’est tout simplement ce que disait l’auteur du 2 décembre 1851 ; il assurait qu’il ne sortait de la légalité que pour rentrer dans le droit, et c’est sous l’escorte de ces belles paroles que M. le président de la république, avec bien d’autres, a été conduit un jour à Mazas, ce dont il se souvient assez pour ne pas se jeter dans de telles aventures, même en compagnie des radicaux qui lui offriraient leur appui.

Non, la solution n’est point assurément là dit-on au camp de la droite ; ce ne serait au contraire que l’aggravation du mal auquel il s’agit de remédier. Le mal est justement dans les complaisances du gouvernement pour la gauche, dans ses connivences républicaines. C’est ce qui perpétue l’équivoque, c’est ce qui déconcerte le pays et favorise les progrès du radicalisme. A l’abri de cette tolérance du gouvernement