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amenaient de tous les points de la côte d’Asie. « Après quelques préliminaires très polis, » la conversation tomba sur les Grecs. Khosrew fut le premier à reconnaître « qu’on avait mal agi avec eux. » Les exécutions de Constantinople et le massacre de Chio avaient dû exaspérer les révoltés ; son plan à lui était tout autre. Les moyens d’action dont il disposait étaient puissans ; il lui serait sans doute facile d’entreprendre une attaque sur Samos. « La chose paraissait tout à fait sourire au grand-seigneur ; » mais on verrait alors se renouveler les scènes désastreuses de Chio : Khosrew préférait enfreindre ses ordres. Ce n’était pas la première fois qu’il était revêtu de la dignité de capitan-pacha. Les insulaires, en particulier les Hydriotes, avaient toujours rencontré en lui un protecteur ; sa seule élévation au poste de grand-amiral suffisait pour indiquer de la part du sultan des dispositions plus clémentes. Après avoir ainsi exposé au capitaine de Rigny ses projets avec une grande apparence d’abandon, l’honnête Khosrew ne crut pas s’être encore suffisamment affranchi des formes diplomatiques. « Laissons là dit-il au capitaine de la Médée, toutes les circonlocutions d’une inutile étiquette et parlons en soldats. Que penseriez-vous d’une proposition d’accommodement adressée à Hydra par votre entremise ? — Sur quelles bases ? — La soumission et la remise des armes. — Quelle sera la garantie ? — Ma parole. Les Hydriotes me doivent beaucoup ; ils savent qu’on peut se fier à moi. » Le capitaine de Rigny eut la politesse de ne pas démentir le pacha ; il ne se sentit pas suffisamment fondé à demander aux Grecs la remise de leurs armes et « à leur répondre des suites. »

À quelques jours de là le capitan-pacha quittait les eaux de Métélin et allait débarquer ses troupes sur les côtes de l’île de Négrepont. « J’ai été témoin, écrivait le capitaine de Rigny le 6 juillet 1823, de cette première preuve de modération : les flammes de quarante villages incendiés ont éclairé pendant toute une nuit la Médée et le Silène. La présence de nos bâtimens dans ces parages n’a pas été inutile au salut de ceux des Grecs qui ont pu gagner la rive. Nous avons aussi recueilli beaucoup de malheureux qui, entassés dans de frêles embarcations, se trouvaient livrés sur la mer aux horreurs de la faim. » Une autre irruption de la flotte turque dans le golfe de Volo avait été également sanglante. Le capitan-pacha passa ensuite devant Coron et devant Modon, qu’il ravitailla. Il alla jeter enfin le reste de ses troupes à Patras.

La flotte égyptienne, forte de soixante voiles, était de son côté arrivée à Rhodes. Elle devait attaquer et brûler Caxos, se porter sur Candie, et rejoindre de là le capitan-pacha avec ses bâtimens de guerre. La peste, qu’elle apportait, et qui régnait déjà dans