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Toulon remit au capitaine Drouault les instructions qui lui conféraient le commandement de la station du Levant. Le capitaine Drouault devait, avec la frégate la Galatée, se rendre à Smyrne en passant par Tunis ; la frégate la Junon, accompagnée de la gabare la Truite, recevrait, pour le transporter jusqu’à Ténédos, le général comte de Guilleminot, chargé de représenter le roi Louis XVIII auprès de la Porte ottomane.

Le 20 mai 1824, la Junon et la Truite entraient dans l’Archipel ; le 23, ces deux navires commandés, le premier par le chevalier de Cheffontaines, capitaine de vaisseau, le second par le lieutenant de vaisseau Graëb, étaient ralliés devant Milo par la Galatée, arrivant de Tunis sous les ordres du capitaine Drouault, par la Médée, que le capitaine de Rigny amenait de Smyrne avec le brick le Cuirassier, la gabare la Chevrette, les goélettes l’Estafette et l’Amaranthe, dont les commandans étaient alors le capitaine de frégate Le Blanc, les lieutenans de vaisseau Perrey, Ricaudy et Bezard. La Médée et la Galatée escortèrent seules le nouvel ambassadeur de France jusqu’à l’entrée du canal des Dardanelles ; la Truite le conduisit à Constantinople. Le 30 mai, le capitaine de Rigny remettait le commandement de la station au capitaine Drouault et appareillait du port de Folieri pour rentrer à Toulon.

Né à Lorient le 10 avril 1775, le capitaine Drouault comptait en 1824 près de trente ans de service. La marine française ne possédait pas d’officiers dont la réputation fût mieux établie. « Modèle de bravoure et de désintéressement, » — ce sont les expressions mêmes de l’amiral Duperré, — il avait étonné les pilotes de la Plata par la hardiesse de ses manœuvres lorsqu’en 1820 il conduisit la frégate la Duchesse de Berry sur la rade de Buenos-Ayres. C’était un homme de mer de la vieille école, un homme de guerre de la trempe de ces capitaines à qui l’empire n’eut point à regretter d’avoir confié ses premiers équipages de haut-bord. Il avait combattu les Anglais de 1794 à 1815 ; s’il leur pardonnait les deux blessures qu’il avait reçues sur la Loire dans la campagne d’Irlande, sur le vaisseau l’Auguste au siège d’Anvers, il ne les tenait pas aussi aisément quittes de celles que leurs armes victorieuses avaient infligées à notre amour-propre national. Dans la station dont on le chargeait, M. Drouault ne vit pas d’intérêt plus pressant que de contrecarrer les projets ambitieux des éternels ennemis dont il avait appris à redouter la perfide habileté bien plus que la puissance. Ce sentiment jaloux ne devait pas l’incliner vers la Grèce. « La Morée, disait-il, est entièrement sous la domination des Anglais. Ils ont donné de l’argent ; ils en donnent et en promettent encore. » Le premier emprunt grec venait en effet d’être contracté à Londres. Le revenu de la Grèce entière ne dépassait pas