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elle est assez problématique, surtout avec la taxe sur les matières premières.

Il est vrai que ce compte de liquidation ne sera liquidé qu’au bout de cinq ans, et que d’ici là les découverts qu’il présentera seront supportés par la dette flottante. Dans le projet de budget présenté pour 1874 par le dernier ministre des finances, on en prend fort à l’aise avec cette dette : elle est aujourd’hui de 847 millions, on prévoit qu’elle pourra s’élever plus tard à 1 milliard, et on ajoute : « C’est un chiffre qui n’a rien d’excessif, et qu’il a été possible d’atteindre sans danger à une époque où le budget n’était pas à beaucoup près aussi élevé qu’il l’est aujourd’hui. » La théorie est singulière. Ainsi, plus on a de charges, plus on a une dette consolidée importante, et plus on est en mesure d’en supporter une autre également très considérable à l’état flottant ; le crédit est en raison des besoins, et non plus des ressources. Il est possible en effet que, lorsqu’on a élargi le domaine de son crédit, qu’on a 3,700,000 porteurs de titres d’emprunt au lieu de 1,200,000 qui existaient il y a quelques années, on puisse à certains momens emprunter plus facilement et rester à découvert pour des sommes plus fortes ; mais ces emprunts ou ces découverts n’en constituent pas moins un gros danger, d’autant plus gros qu’on est plus embarrassé. Il faut prévoir le jour où, par suite d’une crise quelconque, on sera tenu de rembourser la partie exigible de la dette flottante ; or ce remboursement sera beaucoup plus facile si la dette est de 847 millions que si elle monte à 1 milliard. Au-delà d’un certain chiffre, peut-être de 500 à 600 millions, et qui comprend tous les dépôts obligataires tels que cautionnemens, fonds des communes et des établissemens publics, c’est tout le surplus qui est exigible. Et quand nous disons 1 milliard, nous voulons bien accepter le chiffre de M. Léon Say ; il serait plus exact de le porter à 1 milliard 200 millions, peut-être même à 1 milliard 500 millions.

En parlant aussi légèrement de la dette flottante, on ne réfléchit pas au poids dont elle pèse sur le crédit public lorsqu’elle arrive à un taux qui en rend la consolidation nécessaire. Notre crédit serait plus atteint par un emprunt ayant pour objet cette consolidation qu’il ne l’a été pour ceux que nous avons dû faire pour payer l’indemnité prussienne. Dans le dernier cas, il s’agissait d’une charge tout exceptionnelle qui ne devait pas se renouveler ; dans le premier, ce serait la preuve d’une mauvaise administration financière ou de l’impuissance où l’on serait de faire face à toutes les charges. On n’a, pour s’en convaincre, qu’à examiner ce qui se passe en Italie, en Autriche, même en Russie, sans parler de l’Espagne, qui est arrivée au dernier degré de la pénurie financière. Dans chacun de ces états, on emprunte à des taux de plus en plus élevés, parce que