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avant la guerre de sécession, on ne lui aurait pas prêté à moins de 7 ou 8 pour 100. Si on était sûr chez nous d’abord que la dette de la Banque de France sera inévitablement remboursée dans le délai prescrit à raison de 200 millions par an, et ensuite qu’on appliquera résolument une somme de 150 millions au moins au rachat de la dette, notre crédit en éprouverait une plus-value immédiate et peut-être très importante. Supposons qu’elle soit de 1 pour 100, — 1 pour 100 appliqué à 100 milliards de transactions au moins, qui reposent annuellement sur le papier, — c’est 1 milliard d’économie, indépendamment de l’influence énorme qu’exerce sur toutes les affaires la réduction du taux de l’intérêt. Cela vaut la peine de s’en inquiéter, et quand on voit des gens qui dès aujourd’hui, avant même que la Banque de France soit remboursée, contestent l’utilité de l’amortissement, voudraient qu’on le diminuât ou qu’on lui donnât une autre affectation, on est confondu de l’ignorance financière qui règne dans ce pays. Il n’y a pas dans les circonstances actuelles de mesure plus utile que le maintien de l’amortissement, et, devrait-on l’acheter au prix des sacrifices les plus durs, ce ne serait pas trop cher, car il-donnera toujours par l’amélioration du crédit beaucoup plus qu’il ne coûtera.

En résumé, en payant les Prussiens, nous n’avons accompli que la moitié de notre tâche, la plus rude et la plus difficile peut-être; il nous reste à prouver maintenant que nous sommes au niveau de toutes nos charges, que nous avons un budget en équilibre et des ressources en réserve pour diminuer notre dette. Au fond, rien ne devrait être plus facile, car enfin, quelles que soient ces charges, si on les rapproche de notre revenu, on trouvera qu’elles ne sont pas écrasantes. D’après les statistiques les plus accréditées, le revenu annuel de la France varie entre 18 et 20 milliards ; l’intérêt de la dette, sans y joindre l’amortissement, n’en représente que 5 pour 100, et le budget entier, qui s’élève, en dehors des services d’ordre, à 2 milliards environ, représente 10 pour 100. Les Anglais en 1815, au dire de M. Dudley Baxter, eurent à payer pour le seul intérêt du capital emprunté 9 pour 100 de leur revenu et 18 pour 100 au moins en y comprenant toutes les charges du budget ; cela ne les a pas empêchés de faire face à tout, d’amortir une partie de leur dette, et de développer leur prospérité dans des proportions inouïes. Nous pouvons faire de même, et d’autant plus facilement que le point de départ est meilleur; mais c’est à la condition d’avoir une bonne administration financière.


VICTOR BONNET.