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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/26

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qu’elles suivent en détachant çà et là des branchemens particuliers; sur la voûte même, ces faisceaux grisâtres qui ont l’air de fagots de sarmens sont les gaines de plomb, où dans une enveloppe de gutta-percha, les fils du télégraphe électrique bavardent en Silence à l’abri de l’humidité. Un long tuyau, trop étroit pour conduire de l’eau, trop large pour porter un fil de métal, glisse entre les murs; que contient-il? Écoutez : un bruit rapide et acéré comme un sifflement de javelot vient d’y passer; c’est le chariot de cuivre, chargé de dépêches, qui franchit l’espace dans le tube du télégraphe pneumatique. Paris est bien réellement un corps vivant; les organes cachés de ses fonctions ne se reposent jamais.

La chambre s’ouvre sur la berge de la Seine par une large voûte; dans l’épaisseur du mur, on a ménagé un bureau pour les employés, une officine pour les lampistes, des cabinets où l’on enferme les palettes, les balais, les pelles, les bottes nécessaires aux égoutiers. Sur les piliers de fer fichés dans le trottoir qui domine la cunette où l’égout roule ses eaux limoneuses, on a placé des lampes munies de globes en porcelaine ; c’est une petite illumination. Les hommes d’équipe, vêtus de blouses blanches, sont à leur poste. Les curieux arrivent avec des cache-nez et de gros paletots pour parer aux rigueurs d’une température qui n’est cependant point redoutable, car elle reste presque invariablement fixée entre 11 et 13 degrés. Pendant que l’on attend les retardataires, on peut gagner lestement l’embranchement de la rue Saint-Denis. C’est un vieil égout à sec; la voûte est de moellons moisis, comme la muraille ; il n’y a ni trottoir ni cunette. Le radier (le lit) est formé de pavés; on a peine à s’y tenir debout, c’est une ruelle couverte. Lorsque l’on s’échappe de ce caveau pour rentrer dans l’égout Rivoli, c’est comme lorsque l’on sort de la rue de l’École-de-Médecine pour déboucher sur le boulevard Saint-Michel. Tout le monde est arrivé, on amène les wagons remisés dans le grand collecteur, on les fait pivoter sur des plaques tournantes, comme dans une gare de chemin de fer, et on les met dans l’axe de l’égout Rivoli, dont les deux trottoirs sont armés de bandes métalliques faisant office de rails. Des lampes brûlent aux quatre coins des wagons, qui sont découverts et garnis de bancs en canne tressée. On s’assoit, les femmes ont un peu peur; s’il y a des pick-pockets, ils courent quelques risques de mésaventure, car je reconnais un agent du service de sûreté qui s’installe de façon à mieux voir les promeneurs que la promenade. Un coup de sifflet donne le signal, et l’on part. Deux hommes à l’avant, deux hommes à l’arrière, les mains appuyées sur une barre de bois transversale, prennent leur course, et très grand train font rouler le wagon, qui bruit au-dessus de la cunette. La ra-