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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/274

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pas partout les mêmes caractères, elle n’avait pas surpris tout le monde, et, les premiers momens de confusion passés, la situation apparaissait telle qu’elle était, toujours grave sans doute, mais nullement désespérée. Dans la partie des positions faisant face à Villiers, vers le chemin de fer de Mulhouse, la division Berthaut, habilement disposée par son chef, retranchée de façon à être défilée de l’artillerie ennemie et à pouvoir supporter une attaque, avait arrêté net sur son front le mouvement audacieux des Prussiens. Plus loin, dans l’autre partie des revers de Villiers, la division Courty, prudemment tenue en éveil, avait reçu avec beaucoup de fermeté les Saxons, qui s’étaient jetés sur elle impétueusement, et elle les avait repoussés. Plus loin encore, d’autres Saxons venant de Noisy-le-Grand avaient essayé de se précipiter sur Brie, dans la pensée évidente de tourner nos positions et de nous couper la retraite sur la Marne ; ils avaient même pris les premières maisons du village, mais aussitôt ils avaient rencontré la brigade Daudel, de la division Mattat, qui leur barrait le passage et les empêchait d’avancer. La brigade Daudel était d’ailleurs efficacement secondée par des batteries placées en arrière de la Marne, et qui, voyant les Saxons descendre de Noisy-le-Grand, les couvraient d’obus à mesure qu’ils paraissaient, les forçant à reculer ou les désorganisant. Ainsi de ce côté la situation, sans cesser d’avoir sa gravité, n’était nullement entamée ; on ne s’était pas laissé ébranler, on avait résisté aux premiers assauts, et c’était beaucoup, puisqu’on déjouait ainsi une partie du plan de l’ennemi.

Le péril en réalité était devant Champigny, où la surprise avait été à peu près complète. A la tête de Champigny, il y a ce qu’on appelle la nouvelle route de Chennevrières et l’ancienne route, montant par la gauche vers le plateau. A la bifurcation se trouve une maison au-delà de laquelle s’étend un parc faisant face à un autre parc et à des jardins qui bordent la vieille route. Ces parcs avaient bien été occupés dans l’après-midi du 1er décembre par des compagnies du 42e ; mais ces compagnies n’avaient pas d’outils pour se barricader et créneler les murs. De plus, par suite d’un malentendu, elles se croyaient sous la protection d’avant-postes qui n’existaient pas. Dans les positions avoisinantes du « four à chaux, » auxquelles on se reliait et qui étaient censées gardées par la brigade de mobiles du général Martenot, les mesures de précaution n’avaient pas été prises non plus, ou elles avaient été mal prises, et dans tous les cas on n’en avait pas surveillé l’exécution. Les mobiles de la Côte-d’Or, à qui on avait remis, le soir du 1er décembre, le service de grand’garde, ne trouvaient rien de mieux que de s’en aller coucher à Champigny, de sorte qu’on était, sans le savoir, absolument à découvert, lorsque le matin, avant le jour, les Prussiens arrivaient