Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

passion de résistance ne faiblit pas au cœur de la population parisienne, elle s’aiguise au contraire dans toutes ces péripéties, elle s’irrite des difficultés et s’impatiente des lenteurs les plus inévitables. Le général Trochu n’a fait sans doute que ce qu’il devait, il ne pouvait faire autrement comme gouverneur d’une place assiégée ; mais il se trouve fatalement le lendemain au milieu de ces ardeurs incohérentes qu’il ne peut satisfaire, avec des moyens diminués qu’il ne peut renouveler à volonté, en face d’obstacles que seul il peut connaître, contre lesquels il vient de se briser, et qui ne font que s’aggraver d’heure en heure. C’est là au vrai la situation. Le premier effet de l’incident de Moltke et des nouvelles qu’on recevait de l’extérieur était naturellement de suspendre, au moins pour quelques jours, l’action qu’on voulait reprendre à tout risque le lendemain. Dès que l’armée de la Loire, malheureusement vaincue à Orléans, ne s’avançait pas sur Paris pour nous tendre la main, on n’était plus aussi pressé. On pouvait prendre un peu de temps pour panser les blessures des dernières batailles, pour réorganiser cette armée parisienne qui était dans les conditions les plus pénibles, qu’on était obligé de fondre en deux corps au lieu de trois. On croyait donc pouvoir profiter de quelques jours de répit ; mais c’est là justement que commençait une vraie confusion, on ne s’entendait plus. Puisque le général Trochu repoussait toute négociation, il n’y avait plus de temps à perdre, il fallait combattre. M. Jules Simon, en homme de guerre éprouvé, le disait dans un conseil du gouvernement : « de l’action et non des proclamations ! » Si l’armée était fatiguée ou si elle ne suffisait pas, pourquoi ne pas se servir de la garde nationale, qui ne demandait qu’à marcher ? Il fallait sortir, sortir en masse, aujourd’hui plutôt que demain, se jeter sur les défenses prussiennes ! On s’exagérait ces défenses, elles n’étaient pas aussi fortes qu’on le disait, il n’y avait qu’à le vouloir pour les percer !

Se jeter sur les défenses prussiennes, c’était aisé à dire. On ne savait pas que ces défenses, qu’on aurait pu sans doute percer ou déjouer au début, si on avait eu des forces, étaient devenues tout ce qu’il y avait de plus redoutable au monde, qu’elles étaient conçues avec une profonde et méthodique entente de toutes les ressources locales : redoutes, réduits, abris d’infanterie, abatis immenses, villages barricadés, parcs crénelés, batteries sans nombre, tout cela formait autour de Paris une épaisse muraille de retranchemens dominant toutes les voies, occupant toutes les hauteurs, combinés de façon à briser sur une deuxième et une troisième ligne l’effort que la première ligne n’aurait pas arrêté. On venait de l’éprouver à Villiers et à Champigny, où les travaux allemands n’étaient pourtant pas encore aussi développés qu’ils allaient l’être