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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/445

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LA
POLITIQUE ALLEMANDE
A PROPOS DES GREVES D’OUVRIERS

On sait avec quel art les hommes qui ont fondé le nouvel empire d’Allemagne se sont emparés au moment décisif de toutes les influences qui pouvaient en assurer l’avènement. Si cert ans qu’ils fussent d’avoir pour eux l’avantage du nombre et la supériorité des armes, ils n’ont pourtant négligé aucun moyen d’agir à un degré égal sur les opinions et sur les intelligences. C’est ainsi qu’à côté de la campagne des soldats a eu lieu une campagne des savans, qui, emportés par la passion, ont mis à nu les écarts de leur science et les troubles de leur conscience : tristes déviations, dont les plus illustres n’ont pu se défendre, et qui pèseront longtemps sur leur renommée! On doit à ces déviations le crédit désormais bien établi dans les pays d’outre-Rhin de ce principe abusif, que devant l’intérêt bien démontré de l’état tout autre intérêt doit non-seulement céder, mais faire cause commune, et que la raison d’état ordonne au moins d’imposer silence à toutes les autres, il n’y aurait dès lois ni philosophie ni morale qui eussent leur mot à dire quand l’état a parlé; il serait même interdit de se retrancher dans quelques réserves. Voilà pourtant des nécessités auxquelles ont souscrit des philosophes et des historiens comme Strauss et Mommsen, — souscrit, c’est peu dire, ils y ont applaudi avec un enthousiasme trop vif pour être sincère. Le docteur Jacobi a seul protesté : aussi l’a-t-il expié par quelques mois de prison.

Il n’y a plus à revenir sur ces débats, qui ont donné lieu ici à des joutes brillantes; c’est une part de nos tristesses passées sur laquelle il faut jeter le linceul de l’oubli. Ce qui en persiste, c’est