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permet pas d’attendre. Saint-Valery, Boulogne, Calais, Dunkerque, ne répondent plus aux besoins nouveaux créés par la navigation à vapeur et les chemins de fer. L’Angleterre est aujourd’hui l’entrepôt du monde entier, et c’est en partie par la France qu’elle communique avec l’Europe occidentale et l’Orient. La route de Londres à Marseille est la plus grande route commerciale du monde, et tout ce qui peut rendre sur cet important parcours les communications plus sûres, plus rapides et plus économiques, a un intérêt de premier ordre qui s’impose à tous les peuples et à tous les gouvernemens. Depuis trente ans, l’Angleterre s’est occupée de cette grave question; le gouvernement français n’y est pas resté non plus étranger, et ce n’est pas seulement le commerce qui a éveillé son attention, c’est aussi la sécurité des navigateurs et la nécessité d’assurer à nos vaisseaux, en cas de guerre maritime, un port de refuge, que l’on cherche en vain depuis Cherbourg jusqu’à Ostende. En 1853, des études furent commencées pour l’établissement de ce port entre Boulogne et Ambleteuse. Il s’agissait de construire deux digues sur le banc nommé la bassure de Bars, qui s’étend le long de la côte par le travers de Wimereux ; la dépense était de 100 millions, et l’entreprise fut ajournée. En 1863, M. le vice-amiral de Chabannes, préfet maritime de Cherbourg, mit en avant un nouveau projet auquel il ne fut pas donné suite, car il est de règle chez nous que les travaux les plus utiles sont toujours ceux dont on s’occupe en dernier lieu. Enfin en 1869 des capitalistes anglais, des railway contractors, comme on dit au-delà du détroit, MM. Waring frères, de Londres, offrirent d’établir à leurs frais, sans réclamer aucune subvention de la France, un port de refuge et de commerce sur la plage d’Audresselles, entre Boulogne et Calais. Ils se proposaient d’établir sur cette plage un terre-plein de 200 mètres de largeur et deux jetées, l’une de 1,200 mètres au sud, l’autre de 800 mètres au nord. Ces deux jetées devaient abriter une rade présentant une superficie de 75 hectares et pouvant recevoir à marée basse de grands steamers calant de 6 à 8 mètres. Ils devaient en outre construire des docks et un embranchement de chemin de fer se reliant avec le chemin du Nord. Les navires dans les gros temps pouvaient aborder dans le port sans payer aucun droit, mais MM. Waring s’y réservaient le monopole des opérations commerciales, et comme prix de ce monopole ils s’engageaient à construire des forts, à recevoir une garnison française, des employés français, et se soumettaient, en cas de guerre, à l’embargo quelques jours après la déclaration. Le projet était grandiose; les plans étaient dressés, la dépense, supportée tout entière par MM. Waring, s’élevait à 15 millions, et la demande d’une concession de quatre-vingt-dix--