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voir. Le ministre des finances du cabinet Lanza, M. Sella, avait à faire voter pour 30 millions d’impôts nouveaux par une chambre impatiente de prendre ses vacances, de quitter Rome, il n’a pas pu réussir ; il a échoué non pas précisément dans la discussion des impôts eux-mêmes, mais en quelque sorte au seuil de la discussion, dans le débat qui s’est engagé au sujet de la fixation de l’ordre du jour ; il a été vaincu par une coalition de la gauche et d’une partie de la droite qui, après avoir soutenu pendant quelque temps le cabinet avec une certaine froideur, a fini par lui manquer au moment décisif. Peut-être aussi M. Sella a-t-il lui-même aidé à la défaite du ministère en voulant jouer la partie résolument, sans concession, sans transaction. Les divers impôts que M. Sella proposait, qu’il croyait nécessaires, qui dans tous les cas étaient une partie essentielle de son système financier, la gauche les repoussait selon son habitude ; une fraction de la droite, sans faire cause commune avec la gauche, mais visiblement peu favorable aux projets du gouvernement, offrait au ministère de voter les lois le moins controversées et de renvoyer le reste à la session du mois de novembre. Le ministre des finances, voyant un piège dans cette proposition, comprenant qu’il livrait ainsi tout son système, s’est montré inébranlable, il n’a voulu rien entendre, et au scrutin il a rencontré contre lui 157 voix sur 243 votans. 67 membres dissidens de la droite se sont joints à la gauche, ou, si l’on veut, la gauche s’est ralliée à la proposition des dissidens de la droite, et le ministère s’est trouvé renversé du coup. Il n’a pas voulu essayer de lutter tout à la fois contre ses adversaires et contre une partie de ses amis, d’autant plus qu’après une durée de quatre ou cinq ans marquée par les plus grands événemens, par la prise de possession de Rome, par la consécration définitive de l’unité italienne, il sentait lui-même son existence épuisée devant une majorité plus qu’à demi ébranlée.

Il a donc fallu former un nouveau ministère. C’est ici qu’ont surgi les difficultés. La gauche, avec ses 90 voix, formait sans doute le principal appoint dans le scrutin qui a déterminé la chute du cabinet présidé par M. Lanza ; mais la scission du parti conservateur n’était qu’accidentelle. Les membres de la droite qui avaient voté contre le ministère et ceux qui lui étaient restés fidèles jusqu’au bout représentaient toujours la vraie majorité politique. Peut-être la gauche aurait-elle gardé plus de chances d’arriver au pouvoir, si elle n’avait eu la mauvaise fortune de perdre il y a peu de temps son chef, M. Rattazzi, qui est resté jusqu’à sa mort en faveur auprès du roi, qui avait l’avantage d’une certaine expérience des affaires, d’une autorité acquise, quoiqu’il n’ait jamais paru au pouvoir que dans des circonstances pénibles, après Novare, à l’époque d’Aspromonte, à la veille de Mentana. Le nouveau chef de la gauche, M. Depretis, homme estimé d’ailleurs et fort modéré, n’a-