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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/591

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classique. Dans ce cas particulier, quel art de rendre à une grande infortune le respect qui lui est dû sans faire courber la majesté royale ! Quant à ce premier mot : « nous trouvons tous ici de quoi nous instruire, » dit en face de Mme de Montmorency et dans l’intérieur de sa cellule, il est tout simplement digne de Bossuet, et c’est par un mot identique que Shakspeare termine je ne sais plus laquelle de ses émouvantes tragédies.

La duchesse avait d’abord eu l’intention de faire élever à Toulouse le monument funèbre de son mari ; mais, le désir de rapprocher d’elle les restes de cet être cher lui ayant donné le courage de solliciter l’autorisation de les faire transporter, c’est à Moulins qu’échut la funèbre bonne fortune de cette décoration. Ce monument, qui se dresse dans la chapelle de l’ancienne Visitation, tout contre le maître-autel, dont il occupe un des côtés, est un des plus considérables de ce genre qui existent aujourd’hui. Trois artistes y travaillèrent, Anguier, l’architecte de la porte Saint-Denis, et deux sculpteurs d’origine bourbonnaise, Regnaudin et Thibault Poissant. Essayons d’en donner une description aussi exacte que possible. Un haut et large revêtement de marbre tapisse de la base au faîte toute la muraille de l’abside depuis la nef jusqu’aux marches de l’autel. Le milieu de ce revêtement est creusé de deux niches à ses extrémités et d’un carré en forme de cadre au centre, séparés par quatre robustes colonnes. Au-dessus, un fronton flanqué de deux candélabres funéraires est dominé par les armoiries des Montmorency, que présentent deux anges. Dans le cadre du centre, deux très jolis petits génies accrochent aux deux coins des guirlandes qui s’enroulent autour d’une urne, épaisses guirlandes, toutes semblables à des câbles de fleurs, véritable emblème du puissant et invincible amour dont elles symbolisent les liens. Les deux niches sont garnies de deux statues debout, celle de gauche d’un Mars adolescent ou d’un Achille, symbole de guerre et de noblesse, celle de droite d’une figure de la Religion. Au-dessous et à la base même du monument, deux autres figures de taille plus considérable sont assises, à gauche un Hercule au repos, à droite une Charité en action. Au-devant de cette muraille se présente le tombeau, vaste coffre mortuaire en marbre, convexe à sa partie inférieure et soutenu par deux pieds de marbre taillés en courbe et cannelés au-dessus d’un piédestal. La table formée par la surface unie du tombeau enfin est occupée tout entière par deux figures de grandeur naturelle, celles du duc et de la duchesse. Le duc est étendu, le buste relevé et le bras appuyé sur un casque, la duchesse est assise dans une attitude de douleur résignée. La figure du duc, belle et martiale, se distingue par une singularité que nous trouverons un peu choquante, mais