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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/665

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et métiers vouées à l’industrie du bâtiment. Les ouvriers et les maçons parcouraient, pour s’instruire et pour étudier les édifices religieux, non-seulement les diverses régions de la France, mais les diverses contrées de l’Europe. Les villes, les évêques, les abbés des grands monastères, les envoyaient à leurs frais visiter les monumens les plus célèbres ; ils rapportaient des dessins et des plans, et ceux de ces plans qui sont parvenus jusqu’à nous, prouvent que sous le rapport de l’instruction pratique ils auraient pu, s’ils avaient vécu de nos jours, figurer honorablement parmi les professeurs de l’École des Beaux-Arts. De nombreux monogrammes tracés, sur le revêtement en plomb de la flèche d’Amiens témoignent encore aujourd’hui du grand nombre de maîtres et de compagnons charpentiers qui sont venus, en faisant leur tour de France, admirer le chef-d’œuvre des deux paysans picards et surprendre ! leurs secrets.

Sauf l’inégalité choquante des deux tours du grand portail, la cathédrale d’Amiens est dans toutes ses parties un monument irréprochable et complet. Construite en forme de croix latine, elle présente sur sa façade un développement de 51 mètres, elle a dans œuvre 141 mètres de long et 34 mètres de large. La flèche est haute de 71 mètres, et dans cet énorme entassement de pierres, de fer et de bois tout est majestueux et admirablement proportionné. Trois portes enfoncées sous de profondes voussures s’ouvrent sur la façade. Ces voussures sont ornées de 1,800 médaillons qui renferment chacun un bas-relief. L’histoire de l’humanité depuis son apparition sur la terre, le monde du passé et le monde de l’avenir, les mois et les jours, Hésiode et l’Apocalypse, la vie et la mort, les diables, les saints et les rois, tout est là : on dirait un microcosme, un miroir de la création, où les ignorans, ainsi que l’a dit Hugues de Saint-Victor, voyaient Dieu et la milice céleste face à face, comme dans le séjour de l’éternelle béatitude. L’intérieur répond de tout point aux magnificences du dehors ; 126 piliers, d’une incomparable élégance, soutiennent des voûtes ; qui semblent suspendues dans les airs, et des statues, des stalles magnifiques, des bas-reliefs dus pour la plupart à d’anciens artistes amiénois, ajoutent encore par le détail aux beautés grandioses de l’ensemble.

En Allemagne aussi bien qu’en France, on a souvent comparé les cathédrales d’Amiens et de Cologne, et, comme les deux édifices offrent entre eux de frappantes analogies, L’amour-propre national s’en est mêlé, et les archéologue ont longuement et ardemment discuté pour savoir auquel des deux peuples appartenait la priorité de la conception architectonique. M. Félix de Verneilh a résolu le problème. Il a d’abord, comparé avec la plus sévère attention les dispositions générales des deus édifices, et voici ce