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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/675

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enleva plusieurs milliers de personnes, et l’invasion prussienne y fit durement sentir ses rigueurs, ses exactions et ses outrages.


IV. — LA BATAILLE D’AMIENS. — VILLERS-BRETONNEUX. — DURY. — L’OCCUPATION PRUSSIENNE.

Solidement fortifiée jusqu’à la fin du XVIIe siècle, Amiens n’a aujourd’hui pour toute défense que sa citadelle, située sur la rive droite de la Somme. Cette citadelle, si elle avait été bien armée, aurait résisté quelques jours ; cependant elle ne pouvait être d’aucune utilité contre une attaque dirigée par la rive gauche. Le conseil municipal, qui ne voulait pas infliger à la ville la honte d’une lâche capitulation, fit faire des barricades crénelées à l’entrée des rues qui débouchent vers le sud, c’est-à-dire du côté où l’on attendait les Prussiens. Une école de tir fut organisée sous la direction de M. Boutmy, commandant de l’un des bataillons de garde nationale. On travailla, autant que pouvait le permettre l’insuffisance des ateliers de la ville, à la transformation des fusils de cette garde, et chacun était prêt à faire son devoir, lorsqu’il fut reconnu que les travaux exécutés à l’entrée de la ville la laissaient complètement à la merci de l’artillerie. On reporta beaucoup plus en avant la ligne de défense, et des tranchées furent ouvertes au sud sur une très grande étendue ; elles s’appuyaient à gauche sur la petite vallée de la Noie, à droite sur la vallée de la Selle, et de cette vallée jusqu’à la Somme trois redoutes avaient été élevées sur des points culminans ; mais ces redoutes n’avaient point d’artillerie, et l’on ne pouvait guère disposer pour la défense des lignes elles-mêmes, qui étaient incomplètes, et très défectueuses, que de deux ou trois pièces de 4 et d’une mitrailleuse belge. La garnison comptait 7,800 hommes, y compris 2,000 hommes de garde nationale sédentaire. Les choses en étaient là lorsque après le départ de Bourbaki pour Nevers le général Farre reçut, comme nous l’avons vu, l’ordre de la délégation de Tours de se concentrer sur la Somme. Il se mit immédiatement en marche, et le 24 décembre au matin le général du Bessol rencontra à Mézières, sur la route de Roye, une avant-garde prussienne de 1,000 à 1,200 hommes, qui se tenaient embusqués dans un bois et jetèrent quelque désordre dans nos rangs par une décharge inattendue ; mais après un moment d’hésitation un bataillon d’infanterie de marine se précipita dans le bois, et les Prussiens s’enfuirent en complète déroute. Le 26, deux autres combats furent livrés à Gentelles et à Boves ; ils tournèrent tous deux à notre avantage et inspirèrent une grande confiance aux soldats. Il est du reste à remarquer que, chaque fois que de petits corps en sont venus aux mains, l’avantage nous est