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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/680

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serait emparé de toute l’artillerie. A la nuit tombante, ordre fut donné à la garde nationale de rentrer dans la ville. Les troupes, de leur côté, reçurent vers minuit le signal de la retraite, et les Prussiens restèrent jusqu’au lendemain matin devant les lignes qu’ils n’avaient pu forcer.

Tel est l’exact récit des combats livrés le 27 novembre autour d’Amiens, Les Prussiens avaient mis en batterie, comme ils l’ont, eux-mêmes constaté dans leurs rapports, 138 pièces qui tirèrent 6,064 coups, tandis qu’à Borny elles n’en ont tiré que 2,850. La résistance avait été partout tellement opiniâtre que le général Manteuffel s’imagina qu’il avait eu devant lui 70,000 hommes, et que l’un des écrivains militaires les plus distingués de l’Allemagne, le colonel Rüstow, dans l’ouvrage intitulé la Guerre de 1870, a porté à 80,000 le nombre de nos combattans. On voit, par les chiffres incontestables que nous avons donnés, ce qu’il faut penser des évaluations prussiennes. Il en est de ces évaluations comme de la dépêche adressée le 28 novembre au grand quartier-général par le comte de Wartensleben, dans laquelle il est dit « qu’un bataillon et demi de fusiliers marins a été anéanti par le 9e hussards. » Ce prétendu bataillon et demi se réduisait à 180 hommes dont la moitié était occupée au service des pièces, qui ont toujours tenu les assaillans à longue distance, et dont l’autre moitié, placée dans les tranchées, n’a pas même aperçu de toute la journée l’ombre d’un seul cavalier prussien.

Nos pertes se sont élevées à 140 morts et 500 blessés pour Villers-Bretonneux, à 33 morts et 100 blessés pour Cachy, à 50 morts et 105 blessés pour Dury, et si l’on ajoute à ces chiffres les victimes des combats de Gentelles, Boves et Longueau, on arrive à un total de 266 morts et 1,700 blessés, La perte des Prussiens fut plus que double. Ils eurent en effet, rien qu’à Villers-Bretonneux, plus de 500 morts, et, pendant que les habitans ramassaient les cadavres et les blessés français, les officiers manifestèrent à diverses reprises leur étonnement de voir combien leurs pertes étaient relativement plus fortes que les nôtres, ce qui s’explique da reste par ce fait que nos troupes, en raison de leur faiblesse numérique, ont toujours combattu sur un ordre très mince, que l’artillerie prussienne, malgré ses excellens attelages de six chevaux, ne pouvait se mouvoir que très difficilement sur le terrain détrempé par les pluies, et qu’un grand nombre de ses projectiles n’éclataient pas à cause du peu de résistance du sol[1].

  1. On trouve un plan fort exact de combat de Villers-Bretonneux dans la brochure publiée par M. Pécourt, instituteur de cette commune. Les points extrêmes où nos troupes refoulèrent l’ennemi y sont exactement marquée. Un plan du combat de Cachy se trouve également dans une autre brochure publiée par M. Jouancoux, habitant de ce village. Une liste nominative des morts est jointe à ces publications.