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Rustre, bourgeois, empereur, fille et dame,
Moine, valet,
Les voilà tous plongés de corps et d’âme
Dans ce ballet.

« Trémoussez-vous, cavaliers, à vos belles !
Changeons le pas ! »
Et la duchesse au commis des gabelles
Tend ses beaux bras !

Et la jeunesse au béquillard se livre,
Et la vertu
Laisse sa coiffe aux mains d’un lourdaud ivre,
Qui lui dit : Tu !

Et plus rapide en son entrain féroce,
Plus furibond,
Le rigodon butte contre une fosse,
Et roule au fond.

Criant, hurlant, à l’horrible débâcle,
S’ouvre l’enfer,
Sur son tonneau le ménétrier racle
Toujours son air.

Danse des morts, macabre sarabande,
Vos temps ont fui ;
Il semble encor pourtant qu’on vous entende
Presque aujourd’hui !

Le violoneux de la fresque de Bâle,
Si par hasard
C’était aussi cette muse banale,
Cet affreux art

Qui flétrit tout à son immonde haleine,
Gouverne tout,
Entremetteur, sur sa tonne d’or pleine
Toujours debout,

Réunissant dans une ligue indue,
Dans un tripot,
La grande dame et la fille perdue,
Qui parle argot !