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séchans des déserts du centre de l’Asie comme aux vents du cercle polaire.

Cette absence de montagnes et par suite de vallées est un autre des grands traits qui distinguent essentiellement la nature russe et la nature européenne ; elles diffèrent autant par le relief de la terre que par la configuration des contours et par le climat. Nulle des contrées de l’Europe n’est à ce point dépourvue de montagnes ; la nature extra-européenne, l’Asie, l’Afrique, l’Amérique ou l’Australie, offrent seules de ces immenses surfaces géographiques uniformes. Cette horizontalité du sol russe n’est point seulement superficielle, c’est un trait essentiel de la géologie comme de la géographie du pays. L’aplatissement de l’écorce n’est que le résultat du parallélisme des couches souterraines. Au lieu d’affleurer fréquemment à la surface comme en Occident, en y offrant une riche variété d’aspects, de sols et de cultures, les différens étages géologiques demeurent horizontalement superposés, ne présentant sur d’immenses espaces que les mêmes terrains propres aux mêmes cultures. Les formations géologiques ont une étendue, les stratifications une régularité, les roches une identité de composition comme il ne s’en rencontre nulle part en Occident. C’est le trait commun de tous les âges géologiques en Russie, des époques primaires, comme des époques récentes. Sur la plus grande partie de cette vaste surface, la croûte terrestre semble demeurée à l’abri des commotions qui ont partout laissé tant de traces dans l’Europe occidentale. Les plus vieilles formations s’y retrouvent sans dislocation, sans altération apparente de l’eau ou du feu. Lentement émergées de la mer, ces terres en conservent l’aspect dans leurs immenses plaines légèrement ondulées. L’imagination en présence de ce spectacle se reporte aisément à la période relativement récente, où à travers cette vaste dépression la mer Baltique s’unissait à la Mer-Noire et à la Caspienne, isolant l’Europe de l’Asie ; l’œil se figure sans peine l’époque glaciaire, alors que les glaces flottantes emportaient dans le sud de la Russie jusqu’à Voronége, sur le Don, les blocs de granit de Finlande, dont tout le centre de l’empire est encore jonché.

La structure géographique, le climat, la conformation du sol, distinguent également la Russie de l’Europe ; bien d’autres caractères propres à la nature européenne lui font défaut avec ceux-là un en particulier d’une grande importance, le degré d’humidité. La configuration même de la Russie, le manque de mers et le manque de montagnes la privent en grande partie de l’humidité que l’Atlantique nous apporte, que les Alpes nous conservent. Elle est ainsi frustrée d’une des grandes causes de richesse de l’Europe