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tout le cours inférieur du Volga, à partir de Tzaritzine sur la rive droite, de Saratof sur la rive gauche, ces déserts de sel se mêlent et se relient, sur les rives septentrionale et orientale de la Caspienne, à des déserts de sable qui forment les vastes steppes des Kirghizes, et se prolongent en Asie jusqu’au cœur du Turkestan. Une partie de ces steppes salines sont au-dessous du niveau de la mer, comme la Caspienne elle-même, dont elles forment l’ancien bassin, et qui, rétrécie et abaissée, se trouve aujourd’hui de 28 mètres au-dessous de la surface de la Mer-Noire. Cette steppe ouralo-caspienne est de toute la Russie d’Europe la partie la plus sèche, la plus dénuée de bois, la plus exposée à des saisons excessives. C’est une contrée décidément asiatique par le sol et le climat, par la flore et la faune, comme elle l’est encore par la race et le genre de vie de ses habitans. S’il y a de ce côté une limite naturelle entre l’Europe et l’Asie, ce n’est pas au fleuve Oural qu’il la faut chercher, c’est aux extrémités de cette concavité Caspienne, prolongement du désert de l’Asie centrale ; c’est au point où le Don et le Bas-Volga se rapprochent le plus l’un de l’autre, sans que l’art ait encore pu les réunir, si nette est la délimitation physique des deux régions où ils coulent.

De l’autre côté de la mer d’Azof, la moitié septentrionale de la Grimée et les côtes adjacentes entre l’isthme de Pérécop et l’embouchure du Dnieper forment une petite région, qui n’est guère moins rebelle à l’agriculture, comme un autre morceau de l’Asie transporté au nord de la Mer-Noire. Ici, sur les steppes salines dominent les steppes pierreuses ou les sables, et là même où se montre quelque terre végétale, le manque de cours d’eau et le manque de pluies semble condamner toute cette moitié supérieure de la Crimée, d’où l’on se promettait tant de merveilles au temps de Catherine II, à demeurer longtemps inculte. Des montagnes du sud de la Crimée et du Caucase au tchernoziom encore steppien, les steppes infertiles occupent en-deçà du fleuve Oural près de 400,000 kilomètres carrés qui ne comptent pas 1,500,000 habitans. Sur toute cette surface, le reboisement, facile dans le tchernoziom, possible encore dans les steppes à sol analogue, devient entièrement impraticable. Impropres à l’agriculture et presqu’à la vie sédentaire, ces vastes espaces, comme les parties voisines de l’Asie, ne paraissent convenir qu’à l’élève du bétail et à la vie nomade. Aussi de toute la Russie d’Europe sont-ce les seules contrées qui soient demeurées jusqu’à nos jours habitées par les tribus nomades de l’Asie, les Kirghizes elles Kalmouks, et jusqu’à ces dernières années par les Tatars de Crimée et les Nogaîs. Sur ces steppes, ces Asiatiques semblent aussi bien chez eux que dans leur