Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/794

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un Habsbourg, chef du saint-empire, il y aurait un Hohenzollern, roi d’Allemagne. L’Autriche représenterait les traditions séculaires de la couronne impériale, et, satisfaite d’une part si glorieuse, elle renoncerait à se mêler des affaires germaniques ; la Prusse représenterait l’Allemagne nouvelle, et, par ses liens fraternels avec l’Autriche, dont elle reconnaîtrait le droit d’aînesse, elle se rattacherait à l’Allemagne des anciens jours. Voilà le système auquel s’arrêtait la fantaisie du brillant archéologue à l’heure même où les politiques du parlement de Francfort, philosophant à leur manière et dans un tout autre sens, allaient déclarer que la constitution de l’empire d’Allemagne exigeait absolument l’exclusion de l’Autriche. Au fond, il y avait plus d’un rapport entre les idéologues de Francfort et le mystique songeur de Berlin. Les uns ont beau construire leur nouvel empire tout d’une pièce, tandis que l’autre relève une à une toutes les parties du vieil édifice, leur pensée se rencontre sur bien des points. Frédéric-Guillaume est en repos avec sa conscience lorsqu’il reconstitue pour l’Autriche la dignité du saint-empire ; n’est-ce pas là cependant une manière d’exclure l’Autriche de l’Allemagne, comme le voulaient les législateurs de Francfort ? La forme est plus respectueuse, le résultat est le même. « Frédéric-Guillaume, dit très justement M. de Ranke, ressemble à un architecte qui, chargé de reconstruire un vieux château tombé en ruines, s’efforce d’en conserver le caractère primitif tout en le rendant habitable et commode. » Il sent que le nouvel empire ne sera commodément habitable pour la Prusse qu’à la condition de mettre l’Autriche dehors ; il la met donc de côté, ou, si l’on veut, au-dessus, dans les hauteurs, sur le trône restauré de ce saint-empire romain qui n’était, dit Voltaire, ni saint, ni romain, et qui, dans ses rapports avec la nouvelle Allemagne, n’eût jamais été un empire. Assurément, en arrangeant tout cela, il ne songe pas à Voltaire ; peut-on nier pourtant qu’il nous y fasse songer ? Surtout est-il possible de ne pas remarquer ici l’apparition persistante de la passion nationale quand on voit non-seulement l’idée de l’unité allemande, mais une des conséquences de cette unité, l’exclusion de l’Autriche, éclater même dans les conceptions d’un souverain si fidèle au culte du passé ? On nous permettra d’insister sur ces révélations qui justifient ce que nous avons tant de fois répété. L’unité de l’Allemagne était le rêve, la passion, le devoir de conscience de tout Allemand. C’est un fait ; qu’on le juge comme on voudra, le fait est indéniable. Ceux-là même qui se préoccupaient le plus sincèrement, le plus religieusement, des troubles révolutionnaires que l’unité apporterait avec elle dans le vieux monde germanique désiraient cette unité avec autant d’ardeur que les autres ; ils