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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/850

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cinquante-quatre pièces prussiennes ne cessèrent pas de diriger leurs projectiles sur tous les points où s’allumaient de nouveaux foyers.

Les marins et les artilleurs de la mobile répondirent vigoureusement, et firent preuve d’un courage et d’une habileté qui ne se démentirent pas un seul instant pendant toute la durée du siège. Par malheur, les obusiers étaient montés sur des affûts de bois vert récemment fabriqués ; les tourillons reposaient sur le bois, sans aucune garniture de fer ; les pièces sautaient sur leurs affûts, qui se fendaient ou se brisaient par la commotion, et les servans passaient plus de temps à les remettre en état qu’à tirer contre l’ennemi. Le lendemain, l’église Saint-Jean s’abîmait dans les flammes avec les restes de ses magnifiques verrières, la châsse d’argent de saint Fursy et les trésors d’art accumulés dans la sacristie : la grande place n’était plus qu’un immense brasier. Une partie de la population s’était réfugiée dans les casemates, lorsque tout à coup les batteries prussiennes ne tirèrent plus que de loin en loin ; cependant les maisons brûlaient toujours, les bestiaux que les paysans avaient amenés dans la place erraient en beuglant à travers les rues, et du haut des remparts on pouvait voir les soldats prussiens dansant en rond autour de leurs batteries, et, comme le dit M. Ramon, hurlant des chants dont l’écho arrivait jusqu’à la ville. Le ralentissement du feu s’expliquait par le manque de munitions et les mouvemens de l’armée française du nord. Le général de Goeben fit expédier des gargousses, et comme il n’avait point assez de ses cinquante-quatre pièces de campagne pour détruire Péronne, il fit passer aux assiégeans douze pièces du plus fort calibre provenant de La Fère et de Strasbourg. Le 2 janvier, vers neuf heures du matinale bombardement recommença avec une intensité nouvelle. Le conseil de défense résolut d’envoyer des parlementaires demander l’autorisation de faire sortir les vieillards, les femmes et les enfans. M. Louis Cadot, commandant de la garde nationale, M. Gonnet, président de la commission municipale, et M. Friant, vicaire, furent chargés de cette mission. Les Allemands les promenèrent toute la journée dans les villages des environs, sous prétexte de les mettre en rapport direct avec le général qui dirigeait le siège, et qu’ils eurent grand soin de ne pas rencontrer. Les parlementaires, traités avec la dernière rudesse, rapportèrent le soir un refus verbal, car les officiers prussiens s’étaient obstinés à ne point donner de déclaration écrite, et l’un d’eux n’avait pas craint de dire que les maux infligés à la population civile étaient l’un des principaux moyens de leur action.

Les grosses pièces de siège nouvellement mises en position exerçaient d’affreux ravages ; mais les moyens de destruction dont ils disposaient ne suffisaient point encore aux Prussiens, et l’on a su