suivit Olga dans sa chambre. Ils s’assirent ensemble sur le petit canapé brun où elle avait si longtemps rêvé à lui. Comme elle appuyait la tête sur son épaule avec une timide tendresse, il y avait dans sa manière et son maintien quelque chose de candide, de virginal ; elle ne pensait plus à rien en ce moment, ni à elle, ni même à lui ; elle était tout entière à son bonheur.
― M’attendiez-vous ? fit Vladimir tout bas.
Elle inclina la tête sans changer de position. Tout à coup elle lui prit le bras et s’en entoura par un geste de gracieux abandon.
― Vous devinez pourquoi je suis venu ? reprit Vladimir.
― Qu’ai-je besoin de deviner ? Je vous aime. Tout est là.
― Votre conscience ne vous dit-elle pas que nous ne devons pas nous laisser aller ainsi au courant qui nous entraîne ?
― Vous savez bien que je n’ai pas de conscience, repartit-elle, et un sourire d’une adorable mutinerie, parti des coins de la bouche, éclaira tout son visage.
― J’ai la tête plus froide aujourd’hui, reprit Vladimir ; j’ai loyalement examiné notre situation. Tout est maintenant entre vos mains. Je suis venu pour décider avec vous de notre avenir.
― Quoi encore ? Je vous aime plus que je ne saurais dire. Je ne vois rien au delà.
― Olga ?
― Eh bien ! dit-elle en se redressant, voulez-vous dire que vous avez cédé à l’entraînement d’une heure d’oubli, que vous ne m’aimez point ?
― Ah ! reprit-il avec une gravité émue, ― vous ne devinez pas à quel point je vous aime ; mais c’est parce que je vous aime que je veux vous voir heureuse. Est-ce ainsi que vous pourriez l’être ? Et cet amour qui nous élève au-dessus de nous-mêmes doit-il vous faire glisser dans l’abîme d’où j’aurais voulu à tout prix vous tirer ? Vous n’étiez pas heureuse jusqu’à ce jour, mais du moins vous n’avez pas failli à vos devoirs, ― et ce serait moi qui vous apprendrais à tromper, à mentir ? Espérez-vous donc vivre en paix, forcée d’avoir deux visages, l’un pour le mari, l’autre pour l’amant, et ne sachant plus à la fin lequel des deux est le vrai et lequel celui qui ment ? Non, ce n’est pas là ce que je souhaite pour vous. Je ne veux pas vous perdre, je veux vous sauver. Ah ! Olga, tu ne sais pas combien je t’aime... Et puis, vois-tu, je ne gagnerais pas sur moi de faire ce qui paraît si simple à tout le monde. Hélas ! que ne puis-je t’appeler ma femme ! Le mariage chez nous est un sacrement : à mes yeux, c’est chose vile de voler sa femme au mari, ― et il s’agit de Mihaël, de mon meilleur ami... Enfin je ne comprends pas le partage. J’aurais la force de renoncer à la femme que