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affections constitutionnelles. Ainsi la folie apparaît souvent à la suite de la menstruation, de la grossesse, de l’accouchement ; l’épilepsie et l’hystérie se déclarent également à l’instant où les indices de la puberté se manifestent. L’éducation et les mœurs ont une influence analogue, les traitemens barbares et la sévérité excessive, comme l’absence complète de discipline et le défaut de surveillance, ont souvent des effets déplorables sur le cerveau des enfans. Les excès alcooliques, la bonne chère, sont funestes aux individus nés de parens atteints de goutte et de gravelle, de même que la misère et l’insalubrité du milieu déciment ceux qui portent en eux le germe de la phthisie.

Quoi qu’il en soit, la fatalité des maladies héréditaires est un grand et lugubre fait dont ceux-là seuls ont la pleine et triste connaissance qui sont appelés à en constater chaque jour les conséquences. Il faut voir les infirmités précoces, les longues douleurs, les irréparables catastrophes, les agonies cruelles et lentes auxquelles les parens condamnent souvent leurs enfans en croyant leur transmettre le bienfait de la vie, pour juger de la puissance du génie morbide caché au plus profond de leur être. Il faut lire les auteurs qui ont traité ces questions, et particulièrement nos savans aliénistes français, pour apprendre à connaître l’énergie mystérieuse et malfaisante qu’apporte si souvent avec lui, en ouvrant les yeux à la lumière du jour, l’être innocent et chétif, objet, — en ce court instant d’illusion, — de toutes les joies, de toutes les bénédictions et de toutes les riantes espérances !

En résumé, il est permis de dire que la transmission héréditaire soit des particularités individuelles de structure anatomique et de tempérament, soit des aptitudes à contracter tel ou tel état morbide, — ce qui tient aussi à certaines dispositions corporelles, — est un phénomène très fréquent, non pas constant, chez les animaux et chez l’homme.

La transmission héréditaire des particularités individuelles d’ordre mental ou affectif et des aptitudes à telle ou telle activité spéculative ou morale est un phénomène qu’on observe aussi, mais plus rarement que le précédent. Lorsqu’on parcourt la série des exemples et des témoignages accumulés et invoqués par certains auteurs, on est frappé, il est vrai, de la force apparente de ces argumens, et l’on attribue volontiers une part considérable à l’hérédité dans le développement de l’intelligence et du caractère, dans la genèse de l’individu pensant. On ne voit pas, on oublie le nombre énorme des faits qui déposent en sens contraire. Les illusions de ce mirage n’ont pas été inutiles, en ce sens qu’elles ont suggéré des recherches fort intéressantes ; mais elles seraient dangereuses, si elles accréditaient dans le public les conclusions que quelques auteurs ont