Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/921

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour autoriser toutes les pratiques de nature à faciliter la transmission des meilleures aptitudes. A Rome, les femmes les plus remarquables et les plus respectées apportaient parfois à une autre famille du consentement de leurs époux, la supériorité de leur sang. Quintus Hortensius, ami et admirateur de Caton, n’ayant pu obtenir sa fille Porcia, lui demanda sa femme Marcia, et Caton la lui céda. La grossièreté de pareilles coutumes choque notre délicatesse, mais elle s’explique très, bien par le désir qu’avait le chef de la famille romaine d’assurer à ses descendans la plus mâle vigueur et les plus solides vertus. — Dans notre ancienne société, le maintien des maîtrises, des charges, des professions dans les mêmes familles, où, elles se continuaient de père en fils, a eu pour origine et pour base l’observation inconsciente de la transmission héréditaire des aptitudes ; et M. Sédillot regrette que les bouleversemens de la société moderne aient fait disparaître cette tradition salutaire, qui astreignait moralement, à tous les degrés de l’échelle sociale, le fils à remplacer le père. C’est là encore un souvenir qui ne doit pas être oublié des races qui ont souci de leur propre perfectionnement.

Ce qu’elles ne doivent pas perdre de vue non plus, et ce qui est d’une application plus facile, ce sont les préceptes d’une vigilante et intelligente éducation. Sous ce rapport, les hommes qui ont le plus de souci de l’avenir de la France n’ont aujourd’hui qu’une opinion : il faut fortifiée les nouvelles générations, en donnant une plus grande place aux exercices corporels et en fatiguant moins les enfans de travaux funestes à la santé. Il ne s’agit pas de toucher aux études classiques ni aux humanités, qui demeureront le principal élément de la culture morale, il est question seulement de rechercher si les enfans ne pourraient pas faire connaissance un peu plus vite et un peu mieux avec les trésors de la latinité et de l’hellénisme, et vivre un peu plus dans le commerce des choses modernes. Il y en a beaucoup qu’on ne leur enseigne pas et qu’on pourrait leur enseigner au grand bénéfice de leur développement intellectuel. Ce n’est pas le lieu d’y insister ici ; mais il semble et personne ne doute que, par une éducation très forte et hardiment rénovatrice, il soit possible, sinon de changer la face d’un peuple, comme le disait Leibniz, au moins de détruire la plupart des causes de décadence auxquelles il s’abandonne en l’absence d’une discipline convenable.

La conviction qu’il est possible de réagir contre les impulsions dangereuses de l’hérédité et de triompher des tyrannies fatales, au moins dans le domaine moral, est d’ailleurs une des plus salutaires qu’on puisse répandre et accréditer dans le monde. Vouloir fortement, c’est déjà pouvoir. Quand même il ne serait pas aussi facile