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Depuis le mois d’octobre 1871, c’est le parti centraliste qui dirige les affaires, le précédent cabinet était au contraire composé de fédéralistes ; mais pour bien comprendre l’origine de ces deux partis il faut remonter à vingt ans en arrière. Après les événemens de 1848 et de 1849, la politique unitaire et absolutiste, dont le prince de Schwarzenberg et M. de Schmerling furent les principaux champions, prévalut dans l’empire des Habsbourg. En 1860, ce système fît place à un régime plus libéral en vertu duquel l’Autriche devint une puissance parlementaire, et voulut concilier le respect des autonomies provinciales avec les conditions d’unité et d’intégrité indispensables à toute monarchie comme à toute république. Les unitaires devinrent alors centralistes, s’appuyant non plus sur l’absolutisme, mais sur le régime constitutionnel. Selon eux, la centralisation devait s’appliquer à la Hongrie aussi bien qu’aux autres régions de l’empire des Habsbourg ; mais les Hongrois, forts de leur autonomie séculaire, refusèrent d’entrer dans cette voie, et, après plusieurs années d’une opposition vigoureuse, ils obtinrent en 1867 l’inauguration du dualisme. Le parti centraliste, composé presque exclusivement d’élémens germaniques, ne s’était pas résigné sans peine à une si large concession ; il unit pourtant par faire la part du feu. Laissant aux Magyars la direction de l’antique royaume de saint Etienne, il voulut en échange garder l’hégémonie sur le groupe cisleithan. Sa prétention fut que les 6,300,000 Allemands qui habitent cette moitié de l’empire eussent la suprématie sur l’ensemble de la population cisleithane, composée de 17 millions 1/2 d’individus. Il fallait pour cela que l’autorité des diverses diètes provinciales fût limitée, et que l’influence du Rzichsrath reçût un nouvel accroissement.

Tel a été depuis 1867 l’objectif du parti centraliste. Si les Allemands ont applaudi à ce programme, les autres nationalités s’y sont montrées rebelles. C’est surtout parmi les Tchèques de Bohême et parmi les Polonais de Galicie que les résistances ont été acharnées. Le gouvernement lui-même n’a pas été sans hésitation, et la lutte entre les deux opinions rivales est loin d’être terminée. Les centralistes prétendent que toutes les traditions gouvernementales sont de leur côté, et que le système préconisé par leurs adversaires sous le nom de régime fédératif n’aboutirait qu’à un travail de désagrégation et de décomposition politique. Les fédéralistes au contraire soutiennent que le fédéralisme n’est nullement en Autriche un élément révolutionnaire. Ce n’est point, disent-ils, une théorie défendue seulement par des savans et par des publicistes, c’est un principe traditionnel, inhérent à la formation de l’empiré et reposant sur des droits historiques qui ont laissé dans le sol une profonde empreinte. Le fédéralisme a joué un rôle conservateur dans la crise de 1848, et c’est encore aujourd’hui une pensée d’union entre les races et de fidélité au souverain qui inspire son programme ; enfin il