Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

armée, qui, de son côté, se réorganisait dans des conditions nouvelles. L’armée de Vinoy était formée en deux corps ou deux groupes principaux, l’un avec les divisions de Maudhuy, Corréard, Pothuau, sur la rive gauche, aux ordres du général Blanchard, l’autre composé de quatre divisions distribuées sur la rive droite, de l’ouest au nord.

Le corps de Saint-Denis restait toujours indépendant sous l’amiral de La Roncière Le Noury. On profitait enfin de ce répit pour constituer définitivement les bataillons de marche de la garde nationale, pour former avec ces bataillons ce qu’on appelait les « régimens de Paris, » infanterie nouvelle qui assurément aurait pu être un précieux appui pour l’armée active, si d’abord on s’était décidé à l’organiser plus tôt et plus rapidement, si elle avait été plus disciplinée et plus aguerrie, si sous le nom de bataillons de marche comme sous le nom de bataillons sédentaires elle n’était restée toujours plus ou moins cette force orgueilleuse et bruyante qu’on sentait le besoin d’occuper et que les généraux craignaient d’employer dans une opération sérieuse. Au 10 décembre, on créait vingt-sept « régimens de Paris, » — on en compta jusqu’à près de soixante avant la fin du siège, — et parmi ces régimens il y en avait certes qui devenaient promptement tout ce qu’ils pouvaient être sous des chefs dévoués comme les colonels de Crisenoy, Ibos, Langlois, Chaper, Rochebrune. Au milieu de ce travail de quelques jours du reste, les généraux n’avaient nullement perdu de vue l’entreprise qu’ils avaient d’abord voulu tenter dès le lendemain de Champigny. Cette réorganisation à laquelle on se livrait était au contraire le meilleur moyen de s’y préparer. Le gouverneur de Paris poursuivait sa pensée, qui était de descendre dans la plaine en avant de Saint-Denis, de contraindre, s’il le pouvait, l’ennemi à déployer ses masses d’infanterie et de le saisir corps à corps, utilisant ainsi ce qu’on était tout près de considérer comme le dernier élan de l’armée. C’est sous cette impression et dans cette espérance qu’on engageait cette affaire du 21 décembre, qui a reçu le nom de bataille du Bourget, qui en réalité se déroulait sur tout le front nord de Paris.

C’était, selon le mot du général Trochu, un immense effort, — au moins d’intention. Seulement le choix du champ de bataille, si plausible qu’il fût, prouvait une fois de plus l’illusion qu’on se faisait sur l’organisation de l’investissement, sur la possibilité d’aborder l’ennemi ou de le contraindre à déployer ses masses d’infanterie. Les lignes prussiennes n’étaient pas moins puissantes de ce côté que sur tous les autres points. Sans doute, dans cette zone du nord et du nord-est, entre la Seine et la Marne, Paris avait une forte