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qu’il fût, ne pouvait évidemment s’engager avant d’avoir ses troupes. On n’avait pas besoin d’aiguillonner son ardeur, il souffrait assez de ces retards, qu’il avait prévus, dont il avait d’avance signalé le danger. Ce n’est que vers dix heures qu’il avait d’abord sous la main la division Berthaut, bientôt suivie de la division Faron, qui s’avançait, de la division Susbielle, qui atteignait Rueil, et aussitôt il s’occupait de regagner le temps perdu.

Dès l’arrivée de la division Berthaut, l’action commençait. La brigade Bocher s’engageait par le nord dans le parc de Buzenval, la brigade de Miribel était chargée de l’attaque de Longboyau. Si on avait pu faire ce qu’on voulait, le plan était de former deux colonnes, l’une pénétrant dans le parc, s’élevant jusqu’à la partie supérieure et prenant sa direction sur Garches en se reliant aux mouvemens du corps Bellemare, — l’autre enlevant la porte et les défenses de Longboyau, gagnant les crêtes qui bordent le ravin de Saint-Cucufa, puis s’avançant toujours de façon à tourner, si on le pouvait, le plateau de La Bergerie, et concourant ainsi à l’action générale. Que restait-il de ce programme sur le terrain? La brigade Bocher exécutait son mouvement, elle pénétrait dans le parc, elle se reliait au général Valentin et se frayait un chemin jusqu’à la partie supérieure, jusqu’au bord des crêtes en face de Garches, sans pouvoir, il est vrai, aller plus loin. Du côté de Longboyau et du « pavillon de chasse » ou « maison du garde » qu’il fallait enlever, on avait bien plus de peine, et on était même arrêté dès les premiers pas. On se trouvait en face de défenses plus fortes qu’on ne le croyait. Éventrer le « pavillon de chasse » par l’artillerie ou faire une brèche dans un mur n’était pas la difficulté; il y avait de plus des abatis, des ouvrages en terre sur lesquels le canon ne pouvait rien. L’ennemi, puissamment abrité, opposait à tous les efforts une résistance invincible. Plusieurs fois, entre dix heures du matin et deux heures de l’après-midi, les attaques se renouvelaient, on arrivait jusqu’à deux cents pas du « pavillon de chasse, » et on était toujours repoussé par la plus violente fusillade. Vainement le général du génie Tripier faisait avancer sous un feu d’enfer une escouade de sapeurs, il ne pouvait réussir, pas un de ses hommes ne revenait. On faisait du mal à l’ennemi sans doute, on essuyait aussi des pertes sérieuses. C’est là que tombait mortellement atteint, à la tête des mobiles du Loiret, le colonel de Montbrison, qui restait pendant plus d’une heure couché à côté d’un sergent allemand, entre les deux lignes, sans qu’on pût aller le relever. Non loin de là périssait le colonel Rochebrune au moment où il entraînait son régiment de garde nationale. Le fait est qu’on venait se briser contre un mur de fer et de feu.