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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/180

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lieu de chercher les formes d’expression sommaires, il prend son parti d’écouter l’instinct qui le pousse à l’analyse scrupuleuse, à l’imitation achevée des détails. Sans doute il réussira plus tard à définir en quelques traits les caractères accessoires en même temps que la signification essentielle d’une scène ou d’une figure; mais dans la période qui précède les dernières années du règne de Louis-Philippe il a besoin encore, pour bien faire ressortir sa pensée, de la formuler jusqu’au bout, d’en accentuer jusqu’aux moindres termes. S’il fallait, parmi les œuvres appartenant à cette époque, indiquer celles qui résument le mieux, à notre avis, les aptitudes de son talent, nous citerions de préférence au reste la suite de douze pièces intitulée Études d’enfans : collection charmante, moins généralement estimée peut-être que telle série participant ouvertement de la comédie de mœurs, mais, à ne tenir compte que de la valeur pittoresque, plus digne qu’aucune autre de figurer au premier rang.

Cependant, même avant 1847, par conséquent avant le séjour que Gavarni fit en Angleterre et qui devait l’amener à transformer presque complètement sa manière, un commencement de renouvellement se fait sentir dans les intentions exprimées et dans les moyens employés par l’artiste. Sa méthode, jusqu’alors plutôt patiente que sûre, son dessin un peu grêle, acquièrent une fermeté et une ampleur relatives. Pour ne rappeler que ces exemples, la suite intitulée Physionomies des chanteurs, des pièces isolées comme le propre portait du dessinateur et surtout la belle lithographie au bas de laquelle on lit ces mots ; les Chevaliers de la belle étoile[1], montrent quels progrès en ce sens avaient déjà été accomplis. En outre, ces œuvres et plusieurs autres du même temps révèlent chez Gavarni une expérience ou tout au moins une préoccupation du coloris, de l’effet, que ses travaux antérieurs ne permettaient pas de pressentir, et qui, s’accusant de plus en plus à mesure que les années se succèdent, deviendra dans les Masques et visages, dans les diverses séries publiées après son retour de Londres, une qualité formelle, malgré quelque excès parfois de dextérité.

Ces variations sous le rapport technique que présente l’ensemble des ouvrages dus au crayon de Gavarni, on les retrouve au surplus, et peut-être plus sensibles encore, dans l’ordre des idées suggérées au moraliste par le spectacle des ridicules, des travers ou des vices humains. Sauf les lithographies, au nombre de cinq ou six cents, faites seulement pour amuser le regard par l’élégance d’un cos-

  1. Le récent catalogue des œuvres de Gavarni nous apprend que cette lithographie arait été faite pour accompagner le texte d’une nouvelle publiée dans le journal la Sylphide, comme une autre composition, bien remarquable aussi, — Albano, avait servi d’illustration à un conte un peu plus romantique que de raison, inséré en 1838 par M. Lassailly dans l’Artiste.