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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/262

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leur mélange avec elles, savent devenir pour la beauté du corps et la vigueur de l’esprit des peuples d’origine finnoise, il suffit de regarder les Magyars, une des races les plus belles, comme une des plus énergiques de l’Europe. S’il y a infériorité, ce n’est ni au point de vue politique, ni au point de vue militaire, car les Magyars ont été de tout temps une des nations les plus guerrières de l’Europe, et, comme on l’a remarqué, ils sont, à travers toutes les révolutions, demeurés plus attachés aux institutions libres que la plupart des peuples aryens, slaves, latins ou germains.


III.

La seconde des trois grandes sources d’où l’on peut faire découler le peuple russe, celle-là plus particulière à la Russie, plus décidément asiatique, a reçu de l’usage le nom de tatare. Jamais dénomination plus équivoque ne s’est introduite dans l’histoire, dans la philologie, dans l’ethnographie. À son apparition en Russie, ce nom de Tatar était porté par une des tribus mongoles qui fondèrent l’empire de Ginghiz-Khan. Dans sa terreur de ces nouveaux barbares, qui lui semblaient sortis de l’enfer, l’Europe du XIIIe siècle transforma leur nom par une réminiscence classique en celui de Tartares, et retendit à la foule hétérogène des peuples entraînés à la suite des sauvages conquérans. Enlevé aux tribus auxquelles il appartenait, ce nom mongol de Tatar a fini par désigner la branche de la race ouralo-altaïque dont le Turkestan a été le point de départ, et dont les Turcs sont les principaux représentans. Les Tatars demeurés aux bords du Volga sont proches parens des Turcs, ou mieux, ce sont des Turcs au même titre que les Ottomans, sortis du même berceau et parlant des dialectes d’une même langue; toute la différence est qu’ils ont envahi l’Europe par une autre route et qu’ils n’ont embrassé l’islamisme qu’après leur invasion. Turc et tatar sont devenus à peu près synonymes en philologie comme en ethnographie, bien que le premier terme soit le seul autorisé par la vérité historique. Aujourd’hui encore les rejetons des tribus du Turkestan qui, sous la pression ou la conduite des Mongols, se sont établies en Russie n’ont point perdu le souvenir de leur origine; les Tatars de Kazan ou d’Astrakan se donnent à eux-mêmes le nom de Turcs, que l’ancienne gloire des Osmanlis et la communauté de religion leur ont rendu plus cher.

Le rameau turc est plus voisin du rameau finnois que du mongol; tous deux se sont souvent rencontrés et unis à tel point qu’il est encore des tribus, comme les Bachkirs, chez lesquelles il est difficile de démêler la part de chacun. Cela est encore moins aisé chez certains peuples éteints, comme les Huns, les Avares et les Bulgares,