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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/269

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gique. Il se peut même qu’il y ait eu parmi ces Scythes quelques tribus aryennes; mais la plupart étaient manifestement d’origine finno-turque. La chose est encore plus certaine pour les Khazars, les Koumans et les autres nomades, qui jusqu’à la grande invasion tatare se disputèrent le sud de la Russie. Longtemps ces peuples évanouis furent les seuls occupans de ces immenses contrées, dont les Grecs et les Italiens ne connaissaient que les côtes. En faut-il conclure qu’ils soient les ancêtres de la mince population de ces pays encore à demi déserts? Le territoire de tous ces peuples, des Scythes d’Hérodote aux Tatars de Rubruquis, était la zone déboisée, la zone des steppes, où la population est encore ou très disséminée, ou très récente. Pour livrer les plaines à la culture, il a d’abord fallu en chasser ces nomades. Les Scythes et tous leurs congénères finno-turcs étaient des peuples pasteurs, qui menaient avec leurs chariots et leurs troupeaux, dans les steppes en-deçà du Volga et du Don, la vie que leurs frères kirghiz mènent au-delà. Tous ces peuples si redoutés de l’Occident et qui disparaissent si vite étaient aussi peu nombreux que les tribus d’Asie, de même race, qui conservent aujourd’hui le même genre d’existence. Une famine, une épidémie, une bataille suffisait pour les anéantir. Ils se détruisaient les uns les autres sans presque laisser d’autres vestiges que leur nom. C’est dans la moitié méridionale de la Russie qu’il faut chercher les traces de l’élément scythe ou tatar, et c’est de l’ouest et du nord, c’est des régions boisées que sont venus peu à peu, et pour ainsi dire sous nos yeux, les habitans actuels de la Russie méridionale. Descendus pour la plupart des contrées restées à l’abri des incursions de ces nomades, et par leur conformation même peu propres à leur genre de vie, les Russes de la Nouvelle-Russie ou de l’Ukraine n’ont souvent pas plus de parenté avec le Scythe, le Kouman ou le Tatar que les colons allemands, grecs ou slaves établis dans les mêmes régions.


IV.

L’influence des Tatars en Russie a été grande; elle a été immense, mais plutôt historique qu’ethnologique, elle a tenu à la conquête plutôt qu’au mélange de races. Elle ressemble bien plus à l’influence germanique en France ou en Italie qu’à l’influence anglo-saxonne en Angleterre. Pour repousser un préjugé vulgaire, il ne faut pas cependant se jeter dans l’excès opposé : l’influence ethnologique des Tatars a été minime; elle n’a point été absolument nulle. Sur plus d’un point, il y a eu mélange entre eux et le peuple d’où sont sortis les Russes, sur les bords du Dnieper, lorsque les princes de Kief recueillaient les débris des Polovtzi ou des Petché-