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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/271

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l’imiter. Dans ces portraits, où la noblesse du style n’enlève rien à la vérité, les Scythes ont généralement le front peu élevé, plus large à la base qu’au sommet, les sourcils droits, rigides, ou légèrement relevés en dehors, le nez court et gros, et à l’opposé du type mongolique, dont l’ensemble s’éloigne déjà fortement, le menton et les joues sont garnis d’une barbe épaisse. De pareils traits se retrouvent parfois chez les paysans russes, et ont une certaine analogie avec ceux des Tatars actuels de Russie. Une face moins plate que celle des Finnois, élargie au-dessus du front, grâce à une légère proéminence des pommettes, un nez lourd souvent relevé, des yeux petits, tels sont les caractères qui sont communs à la plupart des Tatars sans toujours les distinguer. Plus nobles que ceux des tribus finnoises inférieures comme les Lapons, les traits actuels de la plupart des Tatars de Russie, comme ceux des Finnois de l’Occident et des Turcs de Constantinople, se rapprochent souvent plus de notre type caucasique que du mongolique de l’Asie orientale.

C’est dans la Crimée et sur la côte voisine, dans ce qu’on appelait encore au dernier siècle la Petite-Tatarie, qu’il est le plus aisé d’étudier les mœurs et le caractère des Tatars. Il n’y a pas cent ans qu’ils en étaient les maîtres et presque les seuls habitans. Grâce à des émigrations répétées, ils y sont aujourd’hui à peine plus nombreux que les colonistes allemands, grecs ou bulgares, qui sont venus prendre leur place ; dans certaines parties de la péninsule cependant, dans les plus arides et les plus vastes, on sent qu’ils sont encore chez eux. Dans les steppes du centre et du nord, peu propres à la culture, ils continuent leur existence nomade. Dans la région fertile, ils ont encore des villes dont ils forment la principale et presque l’unique population, comme Karassu-Bazar et Baghshi-Saraï, l’ancienne capitale des khans. Là, autour des jardins et des fontaines de marbre du palais des khans, vit une population musulmane plus purement orientale, plus asiatique que celle des villes, de la Turquie d’Europe ou des échelles de l’Asie-Mineure. Là le voile et le confinement des femmes règnent dans toute la rigueur de la loi mahométane, et rien, si ce n’est la solitude des salles du palais, ne rappelle la chute de la puissance tatare. Les Tatars de Baghshi-Saraï et de Karassu-Bazar sont marchands et agriculteurs. Il en est de même de ceux du Volga; habitans d’un pays à sol fertile, ils ont pour la plupart quitté la vie nomade et sont artisans ou marchands dans les villes, laboureurs dans les campagnes. A Kazan, l’ancienne capitale du plus puissant des trois khanats sortis du démembrement de la Horde-d’Or, les Tatars habitent un quartier à part, situé au pied de leur ancienne ville, et relégué loin du Kremlin, que leur ont enlevé les tzars orthodoxes. Leur ville a l’air propre, tranquille et prospère. Ils y ont leurs mosquées et