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UN
ROMAN PHILOSOPHIQUE
EN ALLEMAGNE

Kinder der Welt (Enfans du monde), von Paul Heyse, 3 vol. ; Berlin 1873.


I.

Lorsque de terribles déceptions eurent ouvert à beaucoup d’entre nous des yeux trop longtemps fermés sur les forces réelles de l’Allemagne, on convint généralement que ce n’était pas seulement le nombre et la discipline de nos ennemis qui avaient triomphé de notre malheureux pays, et que le secret de leur supériorité momentanée, espérons-le, se trouvait dans une meilleure éducation intellectuelle et morale. Pris en masse, ils étaient, disait-on, plus instruits, plus sérieux, plus moraux que nous, et l’on ajoutait plus religieux. Ceux qui s’attachèrent avec le plus de complaisance à vanter la solidité du sentiment religieux chez nos envahisseurs en conclurent, par une étrange déduction, que nous devions, pour relever la France, abjurer notre libre pensée, notre scepticisme voltairien, et redevenir des catholiques fervens. Ils ne se demandèrent pas un instant si, étant données les conditions générales de l’esprit moderne, le sentiment religieux ne se trouve pas beaucoup plus à l’aise dans les formes relativement sobres de la religion professée par la majorité des Allemands que dans l’amas de dogmes et de rites superstitieux dont la piété ultramontaine impose le fardeau à nos populations françaises. Les faits démontraient qu’une religion populaire peut demeurer puissante, si ce n’est à cause, du moins