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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/361

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Partout ce deuil expiatoire
Auquel rien n’échappe ici-bas;
Partout cet immense trépas
De la nature et de l’histoire;

Partout ces douloureux retours
Cachés au fond de toutes choses !

Printemps d’hier, où sont tes roses?
Roi de France, où sont tes amours?


Est-ce un humoriste qui s’amuse en des caricatures, ou bien est-ce la vérité implacable saisie après un règne de plus de deux générations, lorsque le temps est passé des allégories convenues, des Mars et des Apollons entourés d’emblèmes menteurs, lorsque le moment est venu de payer tant de fautes et d’abattre aux pieds de la justice éternelle l’idole de la gloire humaine? Peu importe l’excès d’amertume, la morale et la religion sont du côté de la sévérité. Tout cela n’est pas du domaine de l’imagination; c’est de l’histoire de France, c’est notre propre histoire, puisque tout cela retentit encore autour de nous, et nous félicitons M. Blaze de s’être une fois dégagé, comme poète, de son dilettantisme un peu précieux.

Autant les préoccupations esthétiques nuisaient d’abord aux vers de l’écrivain, autant la poésie a servi d’aliment et de support à sa critique. Il a le mérite d’avoir été des premiers à défricher pour nous le terrain de la littérature allemande. Ce n’est pas de seconde main qu’il en a recueilli les richesses. D’autres ont appliqué à des œuvres déjà traduites la sagacité de leur intelligence ou la délicatesse de leur goût. Ses travaux ont précédé les traductions; son avantage a été de connaître l’Allemagne par elle-même et d’aller au fond des choses. À ce moment, la seconde génération des poètes de ce pays avait à peine disparu; elle brillait pour nous de tout le charme de la fraîcheur. On se trouvait d’ailleurs aussi loin des haines du passé que des fureurs de l’avenir, et le mariage de l’esprit français avec la muse allemande en était encore à sa lune de miel. Aucune occasion plus favorable ne pouvait solliciter un esprit amoureux de poésie et accessible aux manifestations nouvelles de la beauté. Que M. Blaze ne fût pas le seul critique germanisant, ici moins que partout ailleurs on pourrait l’oublier : assurément il fut un des plus remarquables. L’ensemble de ses études réunies se compose aujourd’hui de trois volumes d’une attrayante variété : les Écrivains modernes de l’Allemagne, une sorte de réduction du firmament poétique de ce pays, la pléiade des petites constellations autour de l’astre-roi qui les domine sans les effacer, — les Maîtresses de Goethe, une guirlande gracieuse et mélancolique des sultanes que le grand calife de la Germanie moderne a daigné ho-