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rer les avaries qu’avait reçues sa frégate dans les combats du mois d’août. Il laissa le commandement de la flotte au capitan-bey, le fameux Tahir-Pacha, notre futur adversaire à Navarin, et fit route pour le mouillage de Folieri, port situé à l’entrée du golfe de Smyrne.

Il n’y avait dans Tahir-Pacha ni l’étoffe d’un tacticien, ni celle d’un diplomate ; seulement, le jour de l’action venu, on pouvait être certain que ce Turc de vieille roche irait au combat de franc jeu. Miaulis venait de rejoindre Sachtouris avec quelques navires de renfort. Il chercha la flotte ottomane, et la rencontra le 10 septembre 1826 dans les eaux de Métélin. Pendant toute la nuit, on entendit de Folieri une forte canonnade. Khosrew était alors en conférence avec le comte Guilleminot, venu par terre de Constantinople à Smyrne et de Smyrne à Folieri sur la frégate la Pomone. Le 11, au point du jour, la Pomone et la Dauphinoise se portèrent du côté où le canon avait grondé. Elles arrivèrent pour assister à la reprise du combat. Les Turcs étaient sous la côte sud-est de Métélin, les Grecs défilaient devant eux, épiant le moment de lancer leurs brûlots. Bien que la brise fût encore assez faible, tout était déjà en mouvement dans les deux lignes. Un brick se dirigeait vers un vaisseau turc ; le vaisseau masqua soudainement toutes ses voiles, et présenta, non sans adresse, au brûlot sa batterie. Le brûlot, au grand étonnement de nos officiers, ne tarda pas à reparaître sain et sauf, après avoir été couvert de projectiles et comme englouti dans un tourbillon de fumée. Le capitaine du vaisseau avait manœuvré à l’européenne, les canonniers venaient de tirer à la turque. Fallait-il donc s’étonner si, après un long combat de nuit, on n’apercevait dans les deux flottes que des avaries insignifiantes ? Une frégate ottomane avait un trou de boulet dans son grand hunier, une autre une écoute de cacatois coupée. Parmi les bricks grecs, celui-ci changeait son grand mât de perroquet, celui-là réparait sa brigantine. Les coques des deux escadres n’offraient l’apparence d’aucune blessure.

La première passe de la matinée avait été suivie d’une sorte de trêve. La flotte ottomane et la flottille grecque, gênées par l’incertitude de la brise, reprenaient haleine d’un commun accord. Les Grecs avaient alors cinquante bâtimens, quatre polacres, quarante-quatre bricks et deux goélettes. La ligne turque continuait à déployer deux vaisseaux, six frégates, quatre corvettes et neuf bricks. Miaulis, toujours habile, toujours manœuvrier, avait su garder l’avantage du vent. Dans l’après-midi, la brise devint plus fraîche ; les Grecs en profitèrent pour se rapprocher de l’ennemi. Le capitaine Brait de la Dauphinoise a rendu, dans le rapport que j’ai sous les yeux, la plus chaleureuse justice à la conduite des capitaines hydriotes. « Ils