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opposées n’avaient même pas beaucoup de mérite à faire, puisqu’elles n’avaient pas la puissance de se dominer mutuellement. S’il y avait eu un régime si nettement désigné, si impatiemment appelé, il se serait établi dès le premier jour, et, s’il ne s’est pas établi, c’est qu’on sentait qu’il y avait autre chose à faire. Que demandait le pays en réalité ? Qu’il dût être sous la république ou sous la monarchie, il ne s’en inquiétait guère. Il demandait qu’on fît la paix d’abord, qu’on le préservât de l’anarchie où les sinistres idiots de la commune menaçaient de le plonger ; il demandait qu’on pansât ces blessures par où s’échappait tout son sang, qu’on sauvât du désastre tout ce qui pouvait être sauvé, qu’on se mît aussitôt à l’œuvre pour réorganissr son armée, ses finances, son administration intérieure. C’était là le programme né en quelque sorte de l’extrémité de la situation, inspiré par le pays, accepté, avoué, par l’assemblée, par le gouvernement. Le programme n’a point été réalisé jusqu’au bout assurément ; ce qui a pu être fait cependant prouve que c’était la vraie politique, puisque la France a pu bientôt respirer, s’apaiser, travailler, préparer la libération de son territoire. Il y avait donc quelque prévoyance et une certaine efficacité dans cette trêve dont le premier résultat était de remettre la France debout, et si quelque chose pouvait mettre plus vivement en relief ce qu’il y avait dans cette politique de salutaire, de conforme à l’instinct et aux intérêts du pays, c’est ce qui est arrivé le jour où les partis se sont agités, déployant leurs drapeaux, avouant bruyamment leurs prétentions exclusives, se disputant les bénéfices d’une situation pacifiée, améliorée sans eux, quelquefois malgré eux.

Qu’est-il arrivé en effet ? Les partis ont cru être bien habiles en s’acharnant sur ce malheureux provisoire dont chacun d’eux naturellement veut hériter ; ils n’ont été ni habiles ni bien heureux. Ce qui se passe en France depuis quelques mois est la manifestation la plus éclatante du danger de leurs ambitions agitatrices et de leur impuissance à fonder précisément ce définitif dont chacun prétend avoir le secret et le monopole. C’est une chose assez curieuse et qui n’est pas moins vraie, depuis quelque temps républicains et monarchistes sont occupés à prouver de leur mieux qu’il est aussi difficile de faire la république que de faire la monarchie. Les républicains se figurent toujours que le monde a été créé uniquement pour aboutir à la proclamation du régime qui a toutes leurs préférences ; ils ont le fanatisme d’un mot et d’une forme, ils croient avoir tout dit lorsqu’ils ont pu répéter que le pays est de plus en plus républicain, que « l’idée républicaine se fortifie. » Ils ne voient pas, ils ne peuvent pas se faire à cette idée, que le pays n’a point de ces passions et de ces fanatismes, que tout ce qu’ils font ne peut que compromettre leur cause, par cette raison bien simple que la république n’a de chances sérieuses qu’à la condition d’être aussi peu républicaine que possible, c’est-à-dire si elle n’est plus la domination d’un