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qu’on appela le grand-sénéchal de France, l’intendant-général des domaines de la couronne. Il eut son tribunal, où il statuait sur les questions relatives à ce domaine ; il affermait les terres royales et veillait à la rentrée des revenus. Quand le roi allait en guerre, il commandait les hommes, d’armes, au départ marchant à l’avant-garde, au retour à l’arrière, faisant dresser le pavillon de son prince et portant souvent sa bannière. Il laissait au grand-bouteiller et au grand-panetier le soin de, pourvoir à la bouche du roi, et, en vue d’assurer l’approvisionnement, ces officiers reçurent une juridiction spéciale, le premier sur les marchands de vin et de cervoise, les taverniers, les hôteliers du lieu où résidait le roi, le second sur les boulangers. Afin de mieux assurer l’entretien de la garde-robe royale, le grand-chambrier, qui s’appela ensuite le grand-chambellan, eut juridiction sur les merciers, pelletiers, fripiers et cordonniers de la capitale.

Les plus élevés d’entre ces grands-officiers eurent naturellement entrée au conseil du souverain. C’est au sein de ce conseil que le roi exerçait le gouvernement. Entouré des grands dignitaires de son palais et d’un certain nombre de personnages de confiance ou de haute condition, il prenait connaissance des affaires de son royaume. Les attributions du conseil royal étaient tout à la fois politiques, administratives, financières et judiciaires ; il représentait simultanément le conseil privé, le conseil des ministres et le tribunal suprême. La composition n’en était ni fixe ni arrêtée à l’avance, elle variait suivant l’occurrence et la nature des affaires à examiner ; mais, placés près de la personne du roi, les grands-officiers du palais y prenaient rang habituellement. L’arrêt que rendit en 1224 cette cour, formée surtout de prélats et de barons, consacra comme un droit ce qui n’était auparavant qu’un usage, et il appartint aux quatre grands-officiers de l’hôtel tels qu’ils étaient reconnus alors, c’est-à-dire au chancelier, au bouteiller, au chambellan et au connétable, de siéger à cette cour, qu’on appelait aussi la cour des pairs, parce que les grands barons y étaient jugés par leurs égaux. À cette époque, la charge de grand-sénéchal avait déjà disparu ; Philippe-Auguste l’avait abolie en 1191. Cette mesure se liait à une révolution qui commençait, à s’opérer dans l’ordre administratif et judiciaire.

Les ducs et les comtes, en devenant des gouverneurs de province à titre héréditaire, s’étaient changés en grands vassaux de la couronne ; ils exerçaient comme une propriété l’autorité militaire, administrative et judiciaire, qu’ils réunissaient dans le principe entre leurs mains comme représentant du pouvoir royal. Ils déléguèrent cette autorité à des officiers qui se l’inféodèrent à leur tour. Ces