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d’introduction aux compositions de M. Bida : l’ornemaniste et le peintre marchent côte à côte ; chacun d’eux, restant dans la voie qu’il s’était tracée, accentue le texte divin et en fait ressortir les beautés. La gravure de ces ornemens a été confiée à M. Caucherel, et l’on peut dire que son burin a été le fidèle interprète du crayon de M. Rossigneux.

Un chef-d’œuvre semblable ne pouvait être imprimé qu’avec un caractère spécial ; ce caractère, il fallait le créer. Les modèles ne manquaient pas ; on pouvait être tenté de reprendre les admirables italiques qu’Alde Manuce inaugurait à Venise en l’année 1500, et qui avaient été gravées par François de Bologne d’après l’écriture de Pétrarque, caractère si beau que le sénat vénitien, Alexandre VI, Jules II et Léon X en garantirent la propriété exclusive au grand imprimeur ; mais on voulait faire un livre essentiellement français. Pendant qu’Alde donnait ses éditions italiques, que les Allemands imprimaient en gothique, Henri Etienne publiait à Paris, en 1508, le Quintuplex psalterium en caractères romains, et fixait ainsi la lettre typographique adoptée par la France ; il y avait donc une sorte d’amour-propre national à retourner vers nos origines et à s’y maintenir. On prit les plus beaux spécimens que l’on put trouver, depuis le plus petit, qui est la nompareille, jusqu’au plus fort, qui est le gros-canon ; à l’aide de la photographie, on agrandit les uns, on diminua les autres, de façon à les réduire tous à un type uniforme. Puis, les modifiant, les dessinant lettre à lettre, on finit par déterminer l’œil du caractère que l’on a employé ; il devait être à la fois gras et léger, remplir la page et ne point la charger, satisfaire le regard et ne point l’étonner par des ornemens superflus ; lorsque le type fut définitivement arrêté et tracé par M. Rossigneux, on grava une planche de cuivre représentant un feuillet des futurs Évangiles ; on put se rendre compte de l’effet obtenu, il était satisfaisant. On procéda dès lors à la confection des poinçons, opération délicate et méticuleuse qui fait grand honneur à M. Viel-Cazal. Le caractère qui a gravé est de toute beauté : il a une ampleur et une élégance qu’il est difficile de trouver réunies à un tel degré ; je regrette que l’excellent graveur-typographe n’en ait point marqué une lettre quelconque d’un signe particulier, comme l’Imprimerie nationale barre ses l du petit trait que chacun connaît. le regrette aussi, — et ceci s’adresse aux éditeurs, — que l’on n’ait point adopté l’orthographe moderne ; elle a sur l’orthographe ancienne un avantage considérable : elle est phonétique. C’est à mon avis une recherche un peu puérile d’archaïsme d’employer l’o et non pas l’a dans les imparfaits ; apercevoir et apercevoit n’ont pas le même son et ne doivent pas s’écrire de la même manière. C’est là une vieille mode, à laquelle,