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se dire qu’on se consultera mutuellement, s’il le faut ; on n’est point allé sûrement au-delà, parce qu’en définitive quelques criailleries de partis extrêmes ne peuvent faire que la France ne soit la véritable alliée pour l’Italie, et toutes les avances qu’on peut recevoir de Berlin, tous les rapprochemens de circonstance ne peuvent empêcher que l’Italie à ce jeu ne courût le risque de devenir un instrument de desseins connus ou inconnus, de s’associer à une politique dont elle pourrait être la victime.

Les alliances, on sait ce qu’elles valent quelquefois et comment elles se font. On peut le voir pour l’Italie et pour l’Allemagne par ce livre du général La Marmora : — Un peu plus de lumière sur les événemens politiques et militaires de 1866, — qui a précédé le roi Victor-Emmanuel à Berlin, et qui a dû passer, à vrai dire, pour une introduction assez bizarre aux négociations nouvelles qu’on aurait pu avoir l’idée d’engager. Le passé promet pour l’avenir, et le témoin, l’historien de ce passé, celui qui le met aujourd’hui à nu et qui le montre au vif, est un des personnages les plus considérés de l’Italie, un ancien président du conseil qui a été lui-même un des acteurs dans ce redoutable imbroglio. Certes rien n’est plus curieux et plus instructif que cette crise de 1866, où déjà sont en germe les événemens bien plus graves qui se sont accomplis depuis, où se mêlent le roi Guillaume, l’empereur Napoléon III, M. de Bismarck, la Prusse, l’Italie, qui de toute façon, qu’elle soit battue ou victorieuse, doit gagner la Vénétie, — l’Autriche, qui de toute manière est fort menacée de perdre au moins une province dans la bagarre.

Quel drame et quelle comédie ! Comme on voit s’agiter cet homme, ce premier ministre de Berlin, aussi habile que peu scrupuleux, brouillant les affaires intérieures de la Prusse pour se rendre indispensable au roi, se servant de tout le monde en accordant le moins possible et décidé à tout pour le succès ! L’idée de M. de Bismarck, il ne s’en cachait pas depuis longtemps, c’était de donner à la Prusse la suprématie en Allemagne, au moins dans l’Allemagne du nord, et de rejeter l’Autriche au second rang ; mais pour en arriver là il avait à entraîner le roi, qui résistait, à tromper ou à désintéresser la France, qui pouvait rendre tout impossible, à cerner de toutes parts l’Autriche avant d’en venir au duel suprême avec elle. Qu’était dans la pensée et selon l’aveu de M. de Bismarck la guerre danoise, entreprise de concert avec le cabinet de Vienne ? C’était, ni plus ni moins, une expérience tentée aux dépens du malheureux petit peuple du nord ; c’était un moyen de prouver au roi qu’il n’y avait rien à faire avec l’Autriche. L’expérience une fois accomplie, et il paraît qu’elle suffisait au roi Guillaume, il fallait aller plus loin. On ne pouvait faire la guerre pour la possession des duchés de l’Elbe restés au pouvoir des deux puissances allemandes ; c’eût été trop mesquin, l’Europe en eût été scandalisée, l’Angleterre grondait déjà. On faisait une halte par la convention de Gastein. Alors M. de Bismarck imaginait un nouveau plan qu’il déroulait avec une simplicité