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l’ensemble. C’est la dernière formule de l’évolution physiologique, c’est aussi celle de l’évolution sociale qui se caractérise par une localité fixe où cesse la vie nomade, par une limite territoriale qui distingue une nation d’une autre nation, par une distribution arrêtée de classes, de rangs, de fonctions, qui s’étaient d’abord multipliés au hasard, sans règle précise, sans objet bien défini. L’individualité nationale s’organise et se crée.

Nous ne suivrons pas plus loin M. Spencer dans le détail infini des harmonies ou plutôt des identités qu’il retrouve entre les momens du système solaire, l’histoire de la terre, le développement des composés organiques, et les phases des sociétés, sans négliger dans cet immense parallèle, qui se déploie à l’infini, les résultats organisés de l’action sociale, le développement des langues, des arts et des sciences. Encore moins devrons-nous le suivre dans l’analyse des lois dynamiques les plus hautes, les plus générales auxquelles se rapportent ces lois de l’évolution ; mais nous ne pouvons omettre la prétendue nécessité, principe de tout le système, suivant laquelle une force permanente et uniforme aboutit a créer des forces antagonistes en subissant une dispersion. Ces forces antagonistes déterminent en sens contraires, dans toute existence, des oscillations que règle la loi du rhythme. Tous les mouvemens alternent : ceux des planètes dans leurs orbites comme ceux des molécules de l’éther dans leurs ondulations, comme ceux de la vie. Le rhythme du mouvement produit forcément l’équilibre à un moment donné. C’est le dernier terme assignable à l’évolution.

L’évolution conduit toute société, comme tout corps organique, à l’équilibre. C’est le point fatal où commence un mouvement en sens inverse, le phénomène complémentaire et corrélatif de l’évolution, la dissolution. Il n’est pas douteux que ce ne soit là le dernier terme auquel aboutisse la pensée logique de M. Spencer. Les sociétés humaines mourront comme elles sont nées ; elles mourront comme meurt toute chose sensible, comme mourra le monde, comme meurt un ciron. La terre mourra comme l’humanité ; elle subira un jour l’action de forces assez puissantes pour causer sa désintégration complète. — Ici naissent dans l’épouvante de la pensée humaine une foule de questions singulièrement tragiques. L’évolution dans son ensemble marche-t-elle vers le repos complet comme elle y marche dans ses détails ? L’état de privation absolue de mouvement, appelé mort, qui termine l’évolution dans les corps organiques, est-il le type de la mort universelle au sein de laquelle l’évolution universelle tend à s’engloutir ? Enfin devons-nous considérer comme la fin des choses un espace infini peuplé de soleils éteints voués à l’immobilité éternelle ? Ou bien cette fin apparente des choses ne sera-t-elle que le