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l’amiral Tchitchakof, il y fit preuve d’une remarquable aptitude politique. Sa fortune ne tarda pas alors à prendre un essor rapide. L’empereur Alexandre le distingua et l’employa dans les négociations qui précédèrent le traité de Paris. Haïssant l’Angleterre comme tout bon Ionien, la Turquie en sa qualité de fervent orthodoxe, il apporta dans les hautes fonctions auxquelles l’appela bientôt la faveur du tsar un violent désir d’émanciper la Grèce ; on a pu l’accuser, non sans quelque apparence de raison, de n’avoir voulu l’émanciper qu’au profit de la Russie.

En 1820, Capo d’Istria avait refusé la suprême direction de l’hétairie ; en 1822, il quitta le ministère des affaires étrangères pour ne pas s’associer à une politique qui semblait devenir moins favorable aux intérêts de la liberté hellénique. Pendant cinq années, il vécut à Genève dans la retraite la plus absolue. C’était un homme simple, intègre, fait pour honorer un état policé, incapable de maîtriser une société barbare dont il ne comprenait qu’à demi les passions.

Élu pour sept ans, Capo d’Istria ne se hâta pas de venir prendre possession de sa couronne d’épines. Une commission de trois membres, — « trois consuls romains, » ainsi les appelle le commandant de la Junon, — dut conduire les affaires jusqu’à l’arrivée du président gréco-russe. Cette commission ne pouvait offrir que des noms obscurs, car il fallait être certain qu’elle n’hésiterait pas à déposer ses pouvoirs au moment voulu : aussi fut-elle sans autorité.

Le 7 avril 1827, l’amiral de Rigny résumait en quelques lignes la situation. « Je dois vous témoigner le regret, écrivait-il au ministre, que, l’armement de Cochrane et son départ ayant eu lieu dans un port voisin de Toulon, je n’aie reçu aucun avis à ce sujet. L’arrivée de Cochrane parmi les Grecs, avec un brick et une goélette, sans réaliser toutes les espérances que ceux-ci s’en étaient formées, a produit cependant une grande sensation. Il avait été précédé d’un Anglais, nommé Church, qui se dit général, mais qui ne l’a point été au service d’Angleterre. On vient d’appeler le comte Capo d’Istria à la tête du gouvernement, de nommer un chef pour la terre, un autre pour la mer. Si ces nouvelles formes reçoivent le secours de quelques millions étrangers, elles pourront subsister quelque temps ; sans cela, elles auront le sort des gouvernemens éphémères et rivaux qui se sont succédé jusqu’ici en Grèce. »

II.

Cochrane et Church ont été investis de trop grands pouvoirs pour leur compétence. Quels, ennemis auront-ils à combattre, quels